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DE LA PUISSANCE ANGLAISE DANS L’INDE ET EN CHINE.

par les Européens comme une insulte, et les factoreries amenèrent leurs pavillons.

Le 10 mars, le commissaire impérial Linn arriva à Canton avec la mission spéciale d’abolir sans délai et de déraciner complètement ce commerce illicite. Le 18, il rendit deux décrets, l’un adressé aux marchands hongs, l’autre aux étrangers ; ce dernier exigeait, sous peine de mort, que tout l’opium chargé, tant sur les navires entrepôts (store-ships) que sur les vaisseaux mouillés au dehors, fût livré au gouvernement. Le surintendant Elliot et les autres résidens européens à Canton, qui n’avaient jamais pris la moindre part au commerce de l’opium, furent saisis, privés de nourriture, et menacés d’une mort certaine, si le décret n’était pas exécuté sous trois jours. Le représentant de la reine d’Angleterre n’avait devant les yeux que l’alternative du supplice ou d’une soumission entière et immédiate ; il prit ce dernier parti. Le 27 mars, le capitaine Elliot requit tous les sujets anglais résidant en Chine de livrer l’opium qu’ils pouvaient avoir en leur possession, se rendait responsable des valeurs ainsi livrées pour le compte du gouvernement. De cette manière, vingt mille deux cent quatre-vingt-onze caisses d’opium furent remises aux autorités chinoises. Le 21 mai, à deux heures du matin, la remise était complétée ; mais les conditions consenties par les Chinois ou n’avaient point été exécutées ou ne l’avaient été que partiellement. Ces conditions étaient, 1o que les serviteurs des prisonniers seraient relâchés quand le quart de l’opium aurait été livré ; 2o que les embarcations pourraient aller et venir pour le service des Anglais après livraison du second quart ; 3o que les relations commerciales interrompues seraient rétablies après livraison des trois quarts ; 4o que les choses reprendraient en tout leur cours ordinaire quand la livraison de l’opium serait complétée.

Faisant allusion à la violation de ces promesses, le surintendant Elliot, dans un document que nous avons fait connaître l’année dernière[1], et que l’on assure avoir été communiqué à l’empereur, s’exprimait ainsi : « L’empereur a été trompé… Il est certain que les dernières mesures du commissaire ont retardé l’accomplissement de la volonté impériale, ont donné une immense impulsion au trafic de l’opium, qui était, plusieurs mois avant son arrivée, dans un état de stagnation, et ont ébranlé la prospérité de ces provinces florissantes. Il est probable que le résultat de ces mesures sera de semer

  1. Revue des Deux Mondes, 15 mai 1840