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DE LA PUISSANCE ANGLAISE DANS L’INDE ET EN CHINE.

plusieurs dispositions du nouveau bill (China bill) étant de nature à mécontenter les Anglais, tout en offensant les Chinois, on devait craindre que l’application de la mesure ne soulevât tôt tard de graves difficultés.

Nous sommes, au reste, porté à croire que la question de Chine, même au moment où nous écrivons, est encore ouverte à certains égards, et que la solution définitive pourra tromper plus d’un calcul ; mais nous pensons que le sens général de cette solution est désormais du gouvernement anglais, en ce qui touche le commerce de l’opium et les droits respectifs comme les intérêts politiques des deux empires, ont été l’objet d’une appréciation inexacte ou partiale, et que l’issue de la lutte engagée sera profitable non-seulement à l’Angleterre, mais au monde entier. Ainsi le différend entre l’Angleterre et la Chine aura eu, selon nous, une portée autre que celle qu’on lui attribuait généralement ; la contrebande de l’opium n’aura été qu’une des causes inévitables d’une rupture dont il fallait chercher le véritable caractère dans la question générale des relations de l’Europe avec la Chine, relations basées sur un système vieilli, qu’une secousse devenue nécessaire pouvait seule rajeunir et faire tourner à l’avantage réel de la civilisation et du commerce. C’est de ce point de vue qu’il faut envisager les affaires de Chine.

Depuis un grand nombre d’années l’opium est importé en Chine non-seulement des possessions anglaises dans l’Inde, mais encore de plusieurs autres parties du globe, tant par les Européens que par les Américains. Les autorités chinoises avaient ostensiblement prohibé l’importation et l’usage de cet article ; mais jusqu’en 1839 la cour céleste n’avait pris aucune mesure décisive pour mettre fin à ce trafic. Le commerce de l’opium était par le fait une contrebande non pas seulement tolérée, mais soutenue et protégée pour ainsi dire en plein jour par des officiers chinois de tous les rangs, dont la connivence se payait par une commission de 60 à 120 piastres par caisse d’opium (selon que l’opium était livrable à Macao ou à Canton), commission réglée et perçue presque aussi ouvertement que s’il se fût agi de tout autre article d’importation étrangère. Cette contradiction monstrueuse entre la solennité des décrets prohibitifs et les faits devait avoir pour résultat inévitable l’accroissement rapide du mal que signalaient ces décrets journellement éludés. Cependant, après l’abolition du privilége de la compagnie, le gouvernement anglais, pressentant le danger qui pourrait résulter de l’extension illimitée de