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LES PROVINCES DU CAUCASE.

soldats comme cultivateurs, on doit arriver à des résultats avantageux mais il faut leur donner les moyens de se procurer tout ce qui est nécessaire à la culture, en leur abandonnant les profits, et ne pas les astreindre à un service militaire trop actif. Ces établissemens forment d’ailleurs des redoutes avec double rempart en terre, des palissades en bois et du canon. Les colonies militaires n’ont été créées que depuis deux ans : auront-elles le sort de tous les établissemens russes ? L’avenir seul peut répondre à cette question.

Une plaine tout unie, entrecoupée seulement de quelques cours d’eau, s’étend jusqu’à Ekaterinograd ; à notre droite, nous apercevions les hauteurs du Daghestan, à gauche les sommets élevés des monts de la Circassie. Nous ne pûmes distinguer l’Elbrouz, un brouillard épais couvrait les montagnes. J’arrivai à la quarantaine d’Ekaterinograd. Nos effets, placés quelques instans dans une chambre, nous furent rendus après avoir été parfumés. Traversant en bac le Terek, j’entrai à Ekaterinograd, petite ville régulièrement bâtie en bois, où le passage continuel des troupes et des marchandises entretient seul un peu de mouvement. D’Ekaterinograd à Stavropol, je dus traverser presque constamment des steppes unies ou de légères collines dépouillées de bois. Quelques petites villes, Géorgiesk, Alexandrow, s’élèvent sur la route. J’eus la pensée de m’arrêter à Bechpaghir, pour assister à la bénédiction de l’église, qui devait avoir lieu le lendemain ; je voyais de tous côtés des femmes venant assister à la fête religieuse et profane dont cette cérémonie était l’occasion. L’idée de me trouver entouré de gens dont je ne comprendrais pas la langue, car les habitans ne parlent que le russe, me fit renoncer à ce projet ; je vins donc me reposer des fatigues de la route à Stavropol. Au moment où j’entrais dans la ville, je remarquai des soldats d’artillerie avec une batterie de campagne, qui se dirigeaient sur les bords du Terek, pour prendre part à une expédition que devait commander le général Grabbe.

La distance de Tiflis à Stavropol est de cinq cents verstes. Je ne puis m’expliquer les motifs qui ont fait choisir pour la construction d’une ville l’emplacement qu’occupe Stavropol. On ne saurait guère imaginer de situation plus désagréable. Stavropol s’élève sur une colline entièrement nue et au milieu d’une plaine complètement dégarnie de bois : on ne trouve de l’eau qu’à plus de deux verstes de distance ; les rues sont d’une largeur démesurée, et un grand intervalle règne entre toutes les maisons, construites en bois. Le but de