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son fils, ce paysan rusé et sententieux dont les Génois et les Milanais s’amusent, je crois, depuis le temps d’Alboin et du roi Didier ; du rustre florentin Arzigogolo, ce cousin de maître Patelin, qui accusé de vol, contrefait l’insensé d’après le conseil de son avocat et ne répond aux questions du juge que par un sifflement aigu. Celui-ci le renvoie absous. Vient l’avocat, qui réclame son salaire, et auquel le rusé paysan ne répond aussi que par le même sifflement. Les acteurs qui se sont emparés une fois des sympathies du public peuvent donc compter qu’il leur restera long-temps fidèle.

Aujourd’hui le meilleur acteur comique de l’Italie est sans contredit Gattinelli. Il tient le sceptre de la déclamation bouffonne, comme Moriani celui du chant. À Paris, nous ne pouvons manquer de faire connaissance avec Moriani, dont le talent depuis deux ans a atteint une rare perfection. Ses admirables fa sol la retentiront un jour sous les voûtes du Théâtre-Italien ; mais je doute fort que nous ayons jamais la visite de Gattinelli, et c’est un véritable malheur, car Gattinelli est le modèle le plus complet de l’acteur italien, qui, à la verve comique, à l’aptitude morale, doit joindre une grande souplesse physique. Faites un composé de Bouffé, de Frédéric Lemaître et de Mazurier, et vous aurez l’analogue de Gattinelli. Cet excellent acteur du théâtre Re, à Milan, égale, s’il ne le surpasse pas, le fameux Vestris, qui n’avait pas de rival en Italie dans les pièces bouffonnes, il y a vingt-cinq ans.

Ce ne sont donc pas les acteurs qui manquent aujourd’hui aux bons ouvrages, ce sont les bons ouvrages qui manquent aux acteurs, condamnés à représenter éternellement les froides esquisses de Nota, les banales moralités des poètes de son école, ou quelques drames dans lesquels la nature est trop souvent sacrifiée à de bruyans effets de scène. Goldoni et Alfieri, tout imparfaits qu’ils sont, n’ont pas été remplacés, et la plupart de leurs continuateurs ne s’élèvent guère au-dessus du médiocre. D’un autre côté, les romantiques qui marchent à la suite de Manzoni écrivent des romans dialogués que l’excès des développemens et la difficulté de la mise en scène empêcheraient de jamais représenter, quand même la censure ne les interdirait pas. Deux ou trois débutans, jeunes encore, donnent quelque espoir : mais quelle constance ne leur faudrait-il pas pour persévérer dans cette route ingrate, semée d’épines, qui leur promet à peine un peu de gloire ! La comédie est tombée plus bas encore que le drame. Il est vrai qu’avec le système politique actuel des gouvernans elle n’est guère possible ; Nota lui-même, persécuté un moment, caressé plus