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sterl. au lieu de 50. » Sans doute il y a là quelque exagération, et la libre importation des grains étrangers ne ferait pas baisser de moitié le prix du pain ; mais le raisonnement, assez simple pour être saisi par les esprits les plus grossiers, n’en reste pas moins sans réplique.

À la question que je me suis posée en commençant, voici définitivement ma réponse. Quelque contraires que soient les institutions anglaises aux idées que la révolution d’Amérique et surtout la révolution française ont produites et jetées dans le monde, il n’y a ni dans le sentiment religieux, ni dans le sentiment politique du pays, rien d’assez antipathique à ces institutions pour qu’elles soient menacées d’une prompte ruine. Elles pourront donc subsister long-temps encore, surtout à l’aide de réformes habiles et opportunes, si elles ne se trouvent englobées dans une catastrophe plus générale et qui aura une origine plus profonde. Cette catastrophe pourtant n’est rien moins qu’inévitable, rien moins qu’imminente, pourvu que les classes supérieures et moyennes, au lieu de fermer les yeux et de s’endormir, regardent le danger en face et s’occupent activement des moyens de le conjurer.

Je ne cherche point, on le voit, à diminuer l’importance du redoutable problème qui agite aujourd’hui l’Angleterre ; mais de ce que ce problème n’est pas résolu, suit-il que toutes les autres questions doivent s’effacer devant lui, et que, comme le prétendent quelques écrivains, les débats parlementaires depuis dix ans méritent à peine qu’on y fasse attention ? Non certes, et c’est là se faire des choses humaines une idée bien étroite et bien mesquine. Si les nations doivent songer à leur avenir, elles ne peuvent oublier qu’elles vivent dans le présent, et que le présent se compose d’une foule d’incidens éphémères et insignifians peut-être au point de vue de l’histoire et de la philosophie, mais dont l’ensemble détermine le rang qu’elles occupent dans le monde et le rôle qu’elles y jouent. C’est à ces incidens et aux difficultés qui en naissent chaque jour que l’homme politique, quelle que soit d’ailleurs la supériorité de son esprit, doit appliquer surtout ses facultés et consacrer ses efforts. Après avoir examiné quel est l’état des institutions de l’Angleterre et quels dangers les menacent, il est donc bon d’examiner quelle est la situation de son gouvernement et quelles sont ses chances de durée. Ceci m’amène à jeter un coup d’œil rapide sur les diverses phases par lesquelles le ministère actuel a passé. Il est impossible de bien comprendre ce qu’il est aujourd’hui sans connaître ce qu’il a été.

La carrière du ministère whig peut se diviser en quatre époques