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LE MARINO.

Non plus que la margelle divine de son front, qui complète une strophe, ainsi que les épicycles des yeux, qui sont noirs et qui brillent en douze vers, et une multitude d’autres objets dont la description hardie trouva grace apparemment près de sa majesté ; sentiers de lait, vallées de lys, sillons de neiges :

Sentier di latte, onde van l’alme al cielo ;
Valle di gigli, ove passeggia Aprile,
Canal d’argento, che distilla odori,
Solco di neve, che favilla ardori
.

C’est surtout pour le nez de Marie de Médicis que le poète se trouve saisi d’un enthousiasme dithyrambique ; ce nez est un édifice blanc, qui élève son petit mur entre deux prairies de neige pourpre et de pourpre blanche :

Sorga nel mezzo un edificio bianco
Eletto a terminar con muro breve
Posto colà fra’l destro prato e’l manco
Il candid’ ostro e la purpurea neve
.

J’aimerais bien à vous raconter toutes les merveilles de ce nez ; je pourrais vous dire aussi combien la petite moustache de Marie de Médicis, forêt très légère, avait de charme pour le poète, et comment on lisait, écrits en brun, dans la pupille de ses yeux, ces mots : Ici est le soleil !

Voilà pour quelles raisons cet homme puisait à pleines mains la renommée dans le trésor de la sottise publique, et les écus d’or au soleil dans la cassette royale. Voilà pourquoi il causait avec la reine au milieu de la rue, commandait des tableaux au Guide, faisait bâtir dans son pays un palais de marbre, et recevait une statue de ses contemporains. Ils oubliaient cependant Bacon, le précurseur de trois siècles, Shakspeare, l’intelligence sans limite, et Montaigne, l’éloquence et la causerie françaises personnifiées. Gloire contemporaine ! débiles mortels ! sotte crédulité !


Ce n’est point un nom sans importance que celui de Marino. Dans la liste des novateurs littéraires, il occupe une place spéciale, et le rayon que projette son astre poétique s’étend fort loin, puisqu’il vient mourir et se briser en France, au pied du trône de Louis XIV.