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CABRERA.

De tous les hommes que la guerre civile espagnole a mis en lumière, il n’en est pas qui ait donné lieu à des jugemens plus contradictoires que Cabrera. Pour les uns, c’est un héros ; pour les autres, ce n’est qu’un misérable malfaiteur. Des deux côtés, il y a eu exagération et esprit de parti : Cabrera n’est réellement ni un Napoléon ni un Mandrin. Il a commencé, il est vrai, comme un voleur de grand chemin ; mais il aurait fini comme un grand homme, si la cause de don Carlos avait triomphé. Son nom a eu beaucoup d’éclat, mais sa véritable histoire est peu connue ; les détails positifs ont toujours manqué sur celle de ses actions qui ont fait le plus de bruit. On sait que les évènemens se présentent souvent en Espagne, faute d’informations précises, sous une forme confuse, mystérieuse, et comme des énigmes dont le temps peut donner le mot. Le caractère de Cabrera est encore un de ces mystères ; ce qui passe le plus pour certain sur ce sujet est faux ou du moins fort exagéré. Maintenant que sa carrière politique est finie et que le jour de la vérité est venu pour lui, nous avons cru qu’il ne serait pas sans intérêt de tracer, sur des renseignemens authentiques et inédits, une esquisse fidèle de sa vie.

Don Ramon Cabrera est né à Tortose, en 1809 ; il a maintenant trente-un ans. Ses parens étaient de pauvres marins. Son éducation fut d’abord celle de tous les enfans de sa classe en Espagne. Il passa ses premières années à jouer au bord de l’Èbre et dans les rues de Tortose, avec la liberté illimitée d’un jeune sauvage. Quand il fut un