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DE L’IRLANDE.

influence qu’on semblait en attendre, coïncida avec une recrudescence d’agitation populaire et un déchaînement soudain de toutes les passions. Jusqu’à la mise en vigueur de l’acte de coercition de 1833, chaque jour vit s’élever d’une manière effrayante le thermomètre de l’agitation, et avec lui le chiffre des meurtres, des incendies, des attaques nocturnes, et de tous les méfaits auxquels la population des campagnes avait fait trêve sous une impulsion qui fut un instant plus forte que sa haine.

L’association catholique, après avoir, pendant six années, tenu lieu de gouvernement à l’Irlande, s’était dissoute pour se conformer aux injonctions de la loi et aux engagemens formellement pris par ses chefs. Après une excitation sans exemple, ce pays se trouvait donc livré sans direction à son propre entraînement.

Or, quoique l’enceinte de Saint-Étienne se fût enfin ouverte pour les députés catholiques, la situation de l’Irlande n’en restait pas moins affreuse. Sa population devait naturellement mesurer la portée d’une pareille victoire aux changemens introduits dans sa propre condition, et l’émancipation, ainsi qu’il avait été trop facile de le prévoir, ne s’était traduite pour elle en aucune de ces améliorations pratiques que les masses comprennent parce qu’elles les sentent. La famine ne la décimait pas moins sur la paille de ses cabanes immondes. Les dîmes, les vestry-cesses, les country-rates, des fermages surtout hors de tout rapport avec le produit de terres subdivisées à l’infini, continuaient d’écraser un peuple réduit aux seules ressources de la plus petite culture. Dans les villes, les corporations protestantes étaient debout, gardant le monopole des propriétés communales et des élections parlementaires, et l’orangisme se vengeait de ses défaites politiques par ces mille vexations locales qui blessent d’autant plus qu’elles sont plus immédiates et plus personnelles. Quels que fussent les efforts des députés irlandais groupés autour de leur chef, quelle que fût la bienveillance du cabinet whig envers l’Irlande, il était des maux dont la guérison échappait à l’omnipotence parlementaire, et le temps seul pouvait guérir les blessures que le temps avait faites ; il en était d’autres où l’autorité législative pouvait exercer une intervention efficace.

Les questions spéciales à l’Irlande, dont le parlement britannique a été saisi depuis l’émancipation, et sur plusieurs desquelles il continue à délibérer, peuvent se classer sous trois chefs principaux : la réforme de l’église épiscopale, celle des corporations électives, enfin les mesures prises pour améliorer la condition du peuple, telles que