Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/306

Cette page a été validée par deux contributeurs.
302
REVUE DES DEUX MONDES.

Ti conosco, porco ; canaille, je te connais ! C’est comme cela que tu gagnes de l’argent pour remplacer tes haillons.

Jules, vivement piqué, oublia sa première résolution et revint sur Fabio :

Ed in mal ponto tu venisti[1] ! s’écria-t-il.

À la suite de quelques coups de sabre précipités, le vêtement qui couvrait leur cotte de mailles tombait de toutes parts, La cotte de mailles de Fabio était dorée et magnifique, celle de Jules des plus communes.

— Dans quel égout as-tu ramassé ton giacco ? lui cria Fabio.

Au même moment, Jules trouva l’occasion qu’il cherchait depuis une demi-minute : la superbe cotte de mailles de Fabio ne serrait pas assez le cou, et Jules lui porta au cou, un peu découvert, un coup de pointe qui réussit. L’épée de Jules entra d’un demi-pied dans la gorge de Fabio et en fit jaillir un énorme jet de sang.

— Insolent ! s’écria Jules ; — et il galopa vers les hommes habillés de rouge dont deux étaient encore à cheval à cent pas de lui. Comme il approchait d’eux, le troisième tomba ; mais, au moment où Jules arrivait tout près du quatrième bourreau, celui-ci, se voyant environné de plus de dix cavaliers, déchargea un pistolet à bout portant sur le malheureux Balthazar Bandini, qui tomba,

— Mes chers seigneurs, nous n’avons plus que faire ici, s’écria Branciforte, sabrons ces coquins de sbires qui s’enfuient de toutes parts. — Tout le monde le suivit.

Lorsque, une demi-heure après, Jules revint auprès de Fabrice Colonna, ce seigneur lui adressa la parole pour la première fois de sa vie. Jules le trouva ivre de colère ; il croyait le voir transporté de joie, à cause de la victoire qui était complète et due tout entière à ses bonnes dispositions ; car les Orsini avaient près de trois mille hommes, et Fabrice à cette affaire n’en avait pas réuni plus de quinze cents.

— Nous avons perdu votre brave ami Ranuce, s’écria le prince en parlant à Jules, je viens moi-même de toucher son corps ; il est déjà froid. Le pauvre Balthazar Bandini est mortellement blessé. Ainsi, au fond, nous n’avons pas réussi. Mais l’ombre du brave capitaine Ranuce paraîtra bien accompagnée devant Pluton. J’ai donné l’ordre que l’on pende aux branches des arbres tous ces coquins de prisonniers. N’y manquez pas, messieurs, s’écria-t-il en haussant la voix. —

  1. Malheur à toi ! tu arrives dans un moment fatal !