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composés soit en latin, soit en langue vulgaire, est une uniformité fatigante, une longueur diffuse et toujours disproportionnée à l’intérêt du sujet. Je ne veux pas seulement faire allusion ici à ces interminables épopées chevaleresques et à leurs innombrables branches, je ne veux pas seulement parler de ces volumineuses chroniques où, pour retracer quelques évènemens de son temps, l’écrivain ne manque jamais de remonter à la création du monde, mais encore de ces longs traités ascétiques, de ces immenses commentaires du Cantique des Cantiques, qu’on retrouve chez tous les mystiques latins, et surtout des compositions théâtrales pour lesquelles nos aïeux semblent avoir eu une patience à toute épreuve. Sans remonter, en effet, bien haut et aux origines mêmes des mystères, on sait que, sous Henri IV, Hardy composa les Amours de Théagène et de Chariclée, en huit journées, et que, sous Louis XIII, Durier donna en deux journées les Amours de Leucippe et de Clitophon ; on jouait réellement ces pièces dans le temps indiqué par le titre. Ces sortes de représentations avaient aussi lieu en province ; on y donnait, disent les éditeurs de la pièce de saint Crépin, des mystères sur un théâtre construit au milieu des rues, dans les occasions solennelles, lors du passage des souverains, le jour des fêtes patronales, pendant les processions faites en actions de grâces d’une victoire, pour demander au ciel quelque faveur, ou pour le prier de détourner quelque fléau. Dans l’Histoire d’Abbeville de M. Louandre, on trouve un passage curieux sur ces divertissemens dramatiques. « Un trompette à cheval parcourait les rues pour appeler les acteurs et annoncer au peuple l’approche de la représentation. Le maire et les échevins assistaient à ces mystères et se faisaient apporter à dîner dans leur hourt (échafaud), aux frais de la commune. Pendant la pièce, les gardes de jour et de nuit et les sergents de la vingtaine veillaient à la sûreté des portes de la ville et parcouraient les rues pour empêcher les noises, les débats ou larchins. » Mais je ne veux pas refaire ici l’histoire des mystères du moyen-âge et me demander s’il faut en fixer l’origine aux pélerins des croisades ou à l’année 1398, comme le veut De La Rue, ou à ce petit drame du XIe siècle, les Vierges sages et les Vierges folles, publié par Raynouard, ou encore au Jeu de l’Antechrist, édité par Pez. Le duc de La Vallière, les frères Parfait, Beauchamps et tous les historiens du théâtre en France, M. Le Roy dans ses Études sur les Mystères, M. Jubinal dans la préface de ses Mystères inédits du quinzième siècle, MM. Dessalles et Chabaille dans l’introduction du livre dont nous rendons compte, et plus récemment, M. Villemain en un spirituel article du Journal des Savans, ont tour à tour et diversement donné d’intéressans détails sur les compositions dramatiques du moyen-âge. Il serait peu intéressant de répéter ce qu’ont dit ces différens écrivains, et j’aime mieux attendre la suite du livre si curieux de M. Magnin sur les Origines du théâtre en Europe.

Nous disions tout à l’heure que le manque de proportion dans le cadre et de mesure dans les détails, outre l’imperfection de l’art et du langage, et la