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choses qui doivent me faire penser le contraire. L’autre nuit, vous savez, je vous ai entendu vous entretenir avec une autre voix plus forte que la votre qui semblait vous gourmander durement. Vous lui répondiez avec l’accent de la crainte et de la douleur ; et, comme j’étais effrayé de cela, je suis venu dans votre chambre pour vous secourir, et je vous ai trouvé seul, accablé et pleurant amèrement. Qu’était-ce donc ?

— C’était lui.

— Lui ! qui lui ?

— Tu le sais bien, puisqu’il était avec toi, puisqu’il t’avait appelé par trois fois comme l’esprit du Seigneur appela durant la nuit le jeune Samuel endormi dans le temple.

— Comment le savez-vous, mon père ?

Alexis ne sembla pas entendre ma question. Il resta quelque temps absorbé, la tête baissée sur la poitrine ; puis il reprit la parole sans changer de position ni faire aucun mouvement.

— Dis-moi, Angel, quand tu l’as vu, c’était en plein jour ?

— Oui, mon père, à l’heure de midi. Vous m’avez déjà fait cette question.

— Et le soleil brillait ?

— Il rayonnait sur sa face.

— Ne l’as-tu vu que cette seule fois ?

J’hésitais à répondre ; je craignais d’être dupe d’une illusion et de donner, par mes propres aberrations, de la consistance à celles d’Alexis.

— Tu l’as vu une autre fois ! s’écria-t-il avec impatience, et tu ne me l’as pas dit ?

— Mon bon maître, quelle importance voulez-vous donner à des apparitions qui ne sont peut-être que l’effet d’une ressemblance fortuite, ou même de simples jeux de la lumière ?

— Angel, que voulez-vous dire ? Ce que vous voulez me cacher m’est révélé par vos réticences même. Parlez, il le faut, il y va du repos de mes derniers jours !

Vaincu par sa persistance, je lui racontai, pour le satisfaire, la frayeur que j’avais eue dans la sacristie un jour que, me croyant seul et sortant d’un profond évanouissement, j’avais entendu murmurer des paroles et vu passer une ombre, sans pouvoir m’expliquer ensuite ces choses d’une manière naturelle.

— Et quelles étaient ces paroles ? dit Alexis.