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INSTRUCTION PUBLIQUE.

torat ès-sciences ne s’obtenait que dans les trois autres facultés, où l’enseignement reposait sur des vérités révélées, comme en théologie, ou forcément admises, comme en droit, ou matériellement démontrées, comme en physique.

Supposons encore que les différens cours professés dans la faculté présentassent un ensemble de doctrines acceptées, les épreuves soutenues par les élèves seraient-elles une garantie satisfaisante ? Ne sait-on pas qu’il y a aujourd’hui des procédés purement mnémoniques pour passer les examens, et qu’un diplôme prouve fort peu ? Une autre objection s’est sans doute présentée à l’esprit de nos lecteurs. Une institution élevée sur le seuil de la carrière des honneurs sera très fréquentée : le gouvernement aura-t-il des places pour tous les caméralisticiens ? Cette fois, M. de Girardin est en mesure de répondre. — « Dans l’ordre de nos idées, dit-il (page 384), nul, à une époque qui serait déterminée, ne pourrait être électeur ou juré, qu’il n’eût obtenu le diplôme de capacité électorale dont il a été précédemment parlé[1] ; nul ne pourrait être éligible, qu’il n’eût été reçu bachelier ès-sciences politiques, indépendamment des autres conditions d’âge et de cens qui pourraient être légalement requises. » — L’auteur va plus loin encore. Il déplore comme un fâcheux contresens qu’il ne soit pas permis de professer sans présenter des garanties de capacité et de moralité, et qu’on puisse répandre des enseignemens par le moyen d’un journal, sans autre formalité qu’une déclaration insignifiante et le dépôt d’un cautionnement. — « Il en serait autrement, ajoute-t-il (même page), si nul ne pouvait être gérant-signataire d’une feuille quotidienne, qu’il n’eût le titre de bachelier ès-sciences politiques. » — Pour être conséquent, il faudrait exiger aussi le diplôme de celui qui publie des livres, de l’auteur dramatique, et même de l’artiste qui sait faire parler le marbre et la toile.

Ainsi, le plan de l’auteur se transforme et s’élargit subitement. Il ne s’agit plus d’une réorganisation des écoles ; c’est une charte nouvelle qu’on nous propose ; une charte qui rétablirait la censure, et la plus perfide qu’on eût imaginée, car elle supprimerait, non pas les écrits, mais les hommes. Des examinateurs à la solde d’un gouvernement n’auraient plus qu’à repousser un candidat suspect, pour lui fermer la carrière parlementaire, celle des emplois et de la publicité, pour le réduire enfin à un mutisme complet. Il y a mieux. L’avocat déclaré des industriels nous pousse à une étrange conclusion. Pour pénétrer toutes les parties de la philosophie naturelle et du droit positif, il faudrait sans doute d’autres études que celles des écoles primaires. Or, comme, dans le nouveau système, tous ceux qui ne se vouent pas aux professions dites libérales doivent se contenter des premier et second degrés de l’instruction nationale, et passer sans autre culture dans l’établissement professionnel, les propriétaires agriculteurs, les commerçans, les industriels

  1. Ces diplômes seraient délivrés annuellement aux élèves sortis des écoles communales. Les instituteurs de l’arrondissement, réunis à cet effet, formeraient le jury d’examen, et se prononceraient au scrutin secret, et à la majorité des voix.