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et à gauche de Derbend ; celui du centre, commandé par le colonel Miklachewski, marcha vers Duvek, village situé à l’ouest de Derbend dans des montagnes presque inaccessibles, et dont la position était considérée comme inexpugnable. L’expédition se fit la nuit, le long d’affreux précipices, dans des sentiers où les troupes avaient souvent de la boue jusqu’aux genoux, et où l’on fut obligé d’atteler les chevaux des officiers aux pièces d’artillerie. On arriva le matin devant Duvek à travers un bois où l’ennemi aurait pu facilement anéantir les Russes, s’il s’y était posté d’avance, mais qu’ils traversèrent sans être attaqués. Ils virent devant eux, sur un rocher élevé, ce bourg regardé comme le point le plus fort du Tabasseran : il est situé dans une gorge, sur le penchant d’une montagne, et au-dessus se trouve un second village appelé Koustil. La rivière de Darby forme un coude devant Duvek ; sa rive droite, qui est très escarpée, fait face au bourg ; elle est toute coupée de sources et de marécages ; une forêt épaisse entoure toute la contrée. L’attaque fut très vive et la résistance opiniâtre. Les Russes vinrent à bout de forcer les retranchemens ennemis, mais il fallut disputer chaque maison, chaque rocher, et ce ne fut qu’après un combat de six heures que le village resta en leur pouvoir. Le butin qu’ils y firent fut considérable, parce que Duvek était comme la place de sûreté des montagnards, le lieu où ils portaient toutes leurs richesses en temps de guerre. Les Russes n’y étaient jamais arrivés auparavant ; Yermolof lui-même, si redouté dans le Caucase, ne s’était jamais hasardé à attaquer ce repaire de brigands. Les ennemis s’étaient retirés dans le village situé plus haut, et ils s’attendaient à un nouvel assaut ; mais le colonel Miklachewski, ne se sentant pas assez fort pour recommencer le combat, fit filer en avant la cavalerie tartare dont les chevaux et les chariots pliaient sous le poids du butin, et se retira en toute hâte, afin de gagner promptement certains passages difficiles où les montagnards auraient pu facilement l’accabler. Heureusement ils s’attendaient à une attaque, et ne songèrent pas à inquiéter la retraite des Russes. Le retour de ceux-ci à Derbend fut une fête : les soldats s’étendaient sur de riches tapis de Perse pris sur l’ennemi ; ils étalaient de superbes harnais, des joyaux d’or, des armes montées en argent, etc., et les acheteurs venaient à eux de tous côtés.

Les deux autres corps d’armée n’eurent pas moins de succès dans leurs expéditions, surtout celui du prince Dadian, qui pénétra dans des gorges sauvages où il fallait toujours marcher en combattant, et qui brûla plusieurs de ces repaires où les brigands des montagnes se