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représenter la composition de la Métaphysique d’Aristote ; le quatrième, de l’importance de la Métaphysique et de son autorité dans l’histoire de la philosophie ; le cinquième est consacré à l’appréciation de sa valeur intrinsèque. C’est dans les deux premiers que l’auteur s’est le plus développé, et sa critique, tant philologique que philosophique, s’y montre supérieure. Peut-être le troisième chapitre ne vient-il pas tout-à-fait à sa place ; peut-être eût-il mieux valu traiter de la manière dont composait Aristote avant l’exposition même du système, car cette question littéraire, si intéressante qu’elle soit, perd de son importance aux yeux du lecteur, que le second chapitre a jeté dans les profondeurs même de la métaphysique. Quoi qu’il en soit, nous trouvons sur la manière dont travaillait Aristote des indications précieuses. « À mesure qu’Aristote, dit M. Michelet, composait un livre sur un sujet particulier, à peu près comme Platon écrivit ses Dialogues, il le publiait toujours, sans attendre que le tout auquel il appartenait fût achevé, mais non sans l’avoir traité dans son rapport avec le tout… Voilà qui explique pourquoi beaucoup d’ouvrages d’Aristote renvoient de l’un à l’autre : un ouvrage qui en cite un autre comme étant déjà écrit est cité à son tour par ce dernier, de sorte qu’ils se supposent réciproquement. » M. Michelet a très bien fait ressortir la supériorité d’Aristote, qui consiste à avoir exploré tous les détails de la science humaine sous l’influence et la lumière de principes dirigeans. Avoir été dans tout spécial et idéaliste, voilà la raison de la grandeur d’Aristote.

Les deux derniers chapitres de M. Michelet de Berlin sont beaucoup plus courts que les autres, mais ils sont substantiels. Nous dirons même que leur rapidité les rend plus clairs, et démontre la science de l’auteur. Il faut connaître à fond l’histoire de la philosophie pour marquer avec une exactitude précise toutes les ressemblances qui dénoncent l’influence d’Aristote. La métaphysique péripatéticienne a d’abord laissé sa trace dans la cosmogonie des stoïciens, pour lesquels la nature n’était que la manifestation de la raison éternelle. L’école d’Alexandrie a pour pierre fondamentale la pensée de la pensée constituant l’essence de Dieu, et Plotin a dit : « Il ne faut pas chercher l’objet de l’intelligence hors d’elle ; la véritable intelligence est toute réalité, et les êtres y trouvent une assiette ferme. » Proclus concorde tant avec Aristote qu’avec Plotin, puisqu’il proclame que tout sort du principe en même temps qu’il y reste ; il sort en tant qu’il est différent, il reste en tant qu’il lui est semblable. Dieu est l’unité inexprimable, la puissance surabondante de toutes