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REVUE DES DEUX MONDES.

Le 3 de mars 1561, le pape Pie IV tint un consistoire qui dura huit heures, et à la fin duquel il prononça la sentence des Caffara en ces termes : Prout in schedulâ (Qu’il en soit fait comme il est requis).

La nuit du jour suivant, le fiscal envoya au château Saint-Ange le barigel pour faire exécuter la sentence de mort sur les deux frères Charles, cardinal Caffara, et Jean, duc de Palliano ; ainsi fut fait. On s’occupa d’abord du duc. Il fut transféré du château Saint-Ange aux prisons de Tordinone où tout était préparé ; ce fut là que le duc, le comte d’Aliffe et D. Léonard del Cardine, eurent la tête tranchée.

Le duc soutint ce terrible moment non seulement comme un cavalier de haute naissance, mais encore comme un chrétien prêt à tout endurer pour l’amour de Dieu. Il adressa de belles paroles à ses deux compagnons pour les exhorter à la mort ; puis écrivit à son fils[1].

Le barigel revint au château Saint-Ange, il annonça la mort au cardinal Caffara, ne lui donnant qu’une heure pour se préparer. Le cardinal montra une grandeur d’ame supérieure à celle de son frère, d’autant qu’il dit moins de paroles ; les paroles sont toujours une force que l’on cherche hors de soi. On ne lui entendit prononcer à voix basse que ces mots à l’annonce de la terrible nouvelle :

« Moi mourir ! Ô pape Pie ! ô roi Philippe ! »

Il se confessa ; il récita les sept psaumes de la pénitence, puis il s’assit sur une chaise et dit au bourreau : Faites.

Le bourreau l’étrangla avec un cordon de soie qui se rompit ; il fallut y revenir à deux fois. Le cardinal regarda le bourreau sans daigner prononcer un mot.

(Note ajoutée.)

Peu d’années après le saint pape Pie V fit revoir le procès, qui fut cassé ; le cardinal et son frère furent rétablis dans tous leurs honneurs, et le procureur général, qui avait le plus contribué à leur mort, fut pendu. Pie V ordonna la suppression du procès ; toutes les copies qui existaient dans les bibliothèques furent brûlées ; il fut défendu d’en conserver sous peine d’excommunication ; mais le pape ne pensa pas qu’il avait une copie du procès dans sa propre bibliothèque, et c’est sur cette copie qu’ont été faites toutes celles que l’on voit aujourd’hui.


F. de Lagenevais.
  1. Le savant M. Sismondi embrouille toute cette histoire. Voir l’article Carafa de la biographie Michaud ; il prétend que ce fut le comte de Montorio qui eut la tête tranchée le jour de la mort du cardinal. Le comte était père du cardinal et du duc de Palliano. Le savant historien prend le père pour le fils.