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servage, qui présente un certain nombre de nègres enrôlés sous le nom de captifs. Mais, pour ces captifs, il n’y a pas urgence à s’inquiéter du meilleur et du plus rapide procédé d’émancipation. D’abord, ils sont moins nombreux ; et puis, ils s’accommodent volontiers de leur servitude : quoiqu’ils n’aient qu’un fleuve à traverser, un fleuve où ils se baignent chaque jour, pour retrouver la liberté, quelquefois même leur tribu, leur famille, ils restent au service de leurs maîtres, la plupart hommes de couleur et sortis de la même origine.

Restent donc seules en cause la Martinique, la Guadeloupe, Bourbon, la Guyane française ; ou, pour mieux dire, leur cause est la première appelée. Nous allons extraire de la statistique officielle qui les concerne, les faits principaux d’où l’on pourra conclure à la fois l’importance réelle, les difficultés profondes, et peut-être aussi quelques progrès déjà de la réforme qu’il s’agit d’opérer.

La Martinique, au 31 décembre 1835, présentait une population de 116,031 individus, dont 37,955 libres sans distinction de couleur, et 78,076 esclaves.

Comme on le pense bien, nous devons avant tout, au moyen de ces chiffres, montrer sous son vrai jour la condition actuelle des esclaves et des libres de couleur ; car ce sont là les deux seules classes qui aient à attendre du bienfait de la loi, ou d’une rénovation des mœurs, plus lente, mais aussi plus efficace que la loi, l’amélioration de leur sort. À quoi servirait de nous informer curieusement de l’état des blancs ? Ils sont les maîtres, ils l’ont toujours été : c’est un mot qui dit beaucoup, c’est un état qui n’a rien de complexe et que tout le monde apprécie aisément sans avoir vu les colonies. Dans le chiffre des libres que nous avons donné tout à l’heure, et qui équivaut presque à la moitié des esclaves, le nombre des blancs n’entrait, à la même époque (1835), que pour environ 9,000. Le reste, c’est-à-dire une différence de 29,000 à peu près, se composait donc de personnes appartenant à l’ancienne classe de couleur, qu’il nous faudra bien examiner à part, puisque cette distinction est encore maintenue par les créoles, dont l’usage ne s’est pas subordonné aux lois.

Sur cette masse de 29,000 libres de couleur, la statistique officielle assure qu’il y avait 17,579 individus affranchis depuis 1830 ; mais cette assertion si brève demande à être expliquée et réduite à sa juste valeur. On pourrait supposer que ces affranchis l’ont été par la seule volonté des maîtres, et, si elle avait été en effet assez féconde pour fournir un pareil chiffre d’affranchissemens en si peu d’années, on en