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PROMÉTHÉE.

Prométhée ne forme pas seulement des hommes, des vierges, des vieillards ; avant d’appeler à la vie ce peuple de statues, il achève de modeler et anime de son souffle une vierge géante, qui sera sa compagne et qui n’est qu’un dédoublement de son ame. Le poète se complaît dans les détails de la création de la première femme. Il y a dans cette scène plusieurs traits imités de Pygmalion. C’était, en effet, à peu près tout ce qu’on pouvait sur ce sujet emprunter à la Grèce. Si la mythologie hellénique est presque muette touchant la création de l’homme, elle est ironique et badine sur la création de la femme : rien n’est plus charmant, mais en même temps moins sérieux, que le mythe de Pandore, tel que le raconte Hésiode :

« Pour nous venger des humains, je leur enverrai un fléau qu’ils embrasseront comme une idole. En disant ces mots, le père des dieux et des hommes riait. Il ordonna à son fils Vulcain de mêler ensemble de la terre et de l’eau, et de communiquer à ce mélange la voix et la forme humaine, de lui donner une figure aussi belle que celle des déesses, en un mot, de modeler la plus ravissante des vierges. Il voulut que Minerve lui enseignât à faire les plus beaux ouvrages, à ourdir les plus élégantes trames. Il exigea que la céleste Vénus répandît toutes les graces sur sa tête et qu’elle fît passer dans son cœur tous les désirs inquiets, tous les soucis fatigans de l’amour. Il chargea Mercure de lui inspirer la ruse et l’habitude des doux mensonges. Tous s’empressèrent d’obéir au fils de Saturne ; sur-le-champ, le dieu qui boite des deux jambes forma avec de la terre le modèle d’une vierge enchanteresse. Vénus aux yeux d’azur lui plaça la ceinture et la couvrit de beaux vêtemens ; les Graces et la charmante déesse de la persuasion embellirent sa gorge séduisante d’un collier d’or ; les Heures à la blonde chevelure la couronnèrent des plus belles fleurs du printemps ; Minerve mit la dernière main à sa parure. Le messager des dieux lui-même ne manqua pas de remplir son cœur de tendres mensonges, de trompeuses promesses et de tous les artifices que le maître bruyant du tonnerre avait désiré qu’il lui enseignât. Le héraut de l’Olympe lui communiqua la parole et imposa à cette belle vierge le nom de Pandore, parce que chacun des habitans du ciel lui avait fait un présent qui devait être funeste aux mortels curieux. Enfin, lorsque cette fatale et pernicieuse beauté fut en tout parfaite et accomplie, Jupiter envoya Mercure à l’illustre Epiméthée

    quand Thémistius cite les fables d’Ésope, c’est la rédaction du sophiste Aphtonius qu’il a en vue.