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quelque chose des prophéties hébraïques fût arrivé au poète par la version des Septante, par les juifs hellénistes vivant à Rome, par Hérode, hôte de Pollion, par Nicolas de Damas, ministre d’Hérode auprès d’Auguste ; cela ne semble pas étonnant lorsqu’on songe que nos vieilles proses disent encore : Teste David cum sibylla, et que, dans la peinture sacrée, les sibylles ont leur place à côté des prophètes. Il était tout simple que des auteurs chrétiens lissent de l’églogue ce qu’ils pensaient que Virgile en avait fait lui-même, et que l’idée leur vînt aussi de donner un sens chrétien aux vers de Virgile. Wernsdorf remarque judicieusement que le style figuré des Écritures et du langage ecclésiastique, ces perpétuelles images de pasteur et de troupeau, par lesquelles on exprimait la société chrétienne, appelaient l’usage allégorique de la poésie pastorale. Il en cite quelques exemples choisis, dit-il, parmi un grand nombre que présente la littérature du moyen-âge. Au IXe siècle, dans une églogue de Paschase Radberl sur la mort de saint Adhalard, les deux abbayes de Corbie sont désignées, comme on a cru que l’étaient chez Virgile Rome et Mantoue, par les noms d’Amaryllis et de Galatée. Au Xe siècle, dans une pastorale de Théodule, trois personnes allégoriques, Pseustis, Alithia, Phronesis, opposent entre elles les histoires miraculeuses de l’Ancien Testament et les fables mythologiques. C’est là sans doute un ouvrage médiocrement bucolique, de peu de science, de goût et de talent, mais qui jouit long-temps d’une grande vogue, attestée par beaucoup de reproductions manuscrites, et ensuite d’éditions aux premiers temps de l’imprimerie ; il servait encore de texte à l’enseignement des écoles dans le XIIIe siècle. Au XIIe, un moine, nommé Metellus, qui avait déjà célébré en vers lyriques saint Quirinus, le chanta de nouveau bucoliquement et sous le titre de Quirinalia, dans dix églogues, reproduisant, par le nombre des pièces comme par la forme, faute de pouvoir le faire autrement, le recueil de Virgile.

Wernsdorf a donné place dans sa collection, uniquement à cause de la forme amébéenne, à la pièce intitulée : Jugement du cuisinier et du boulanger devant Vulcain, par Vespa. C’est une plaisanterie assez spirituelle que le caractère du style fait rapporter au temps de la basse latinité. L’auteur, soit qu’il s’appelât en effet Vespa, soit que ce nom fût un sobriquet semblable à ceux des parasites, paraît avoir été un bouffon de société de la classe de ceux qui égayaient les repas des Romains. Peut-être cette pièce fut-elle destinée à amuser dans quelque dîner. Celle qui la suit toujours dans le même recueil est un peu