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l’Océan, et pour examiner avec lui, au Musée britannique, le manuscrit qu’il a cru devoir publier. Nous aurons aussi à rechercher la valeur du texte, fort pur en général, qui a été l’objet des soins de M. Michel. Les Relations des ambassadeurs vénitiens en France au seizième siècle, traduites par M. Tomaseo et éditées tout récemment, demanderont, à leur tour, un examen attentif et sérieux.

D’autres publications, que la critique aura à apprécier plus tard, s’élaborent aussi ou se terminent. M. Champollion doit donner les Lettres des rois et des reines de France, et il réussira sans doute à imprimer à son recueil une unité que le titre ne semble pas lui présager. M. Michelet s’est chargé des pièces du procès des templiers, M. Varin des archives de la ville de Reims, M. Natalis de Wailly d’un Manuel de paléographie, qu’on dit fort remarquable, mais que les admiratifs et les amis trop prompts ont eu l’imprudence de placer d’avance au-dessus des ouvrages de diplomatique de Mabillon, de dom Tassin et de dom de Vaisnes. Si M. Sainte-Beuve se décidait à reprendre les recherches originales qu’il avait bien voulu promettre de faire sur les travaux relatifs à l’histoire de notre ancienne littérature, la Collection gagnerait la solide autorité d’un nom justement aimé dans les lettres, d’un écrivain singulièrement habile, qui saurait ajouter à l’érudition profonde les finesses du style, la vivacité des aperçus.

Ce sont là des entreprises laborieuses et modestes que le cercle étroit des érudits sait apprécier, mais qui demandent un dévouement, trop rarement récompensé par la considération, qui, seule pourtant, peut le payer à sa valeur. Mabillon dans ses Vetera analecta, Dachéry dans son Spicilége, Martenne, Baluze et Pèze dans leurs recueils, nous ont donné d’excellens et simples exemples. Il faut continuer modestement leur œuvre résignée.

Les chambres ne refuseront pas, comme on a paru le craindre à tort, la faible allocation qu’elles votent chaque année pour les travaux historiques, car, par cette médiocre et triste économie, elles se manqueraient à elles-mêmes, elles manqueraient aux désirs et aux sympathies du pays. Dans son universel nivellement, la révolution de 1789 a interrompu la plupart des grandes publications littéraires que la science avait projetées ou commencées ; mais, funeste, en son tumultueux début, aux efforts de l’érudition, elle ne peut que lui être favorable dans ses développemens, c’est-à-dire dans l’état actuel de nos institutions. L’immense impulsion que cette crise sociale a imprimée aux idées de toute sorte est surtout légitime dans les travaux historiques, car les trois grandes institutions qui autrefois ont lutté tour à tour et diversement pour le pouvoir, je veux dire l’aristocratie, le clergé et la royauté, se sont, à notre époque, comme confondues et mitigées. Ces collisions n’existent plus que dans le passé, et si l’avenir en recèle de nouvelles, elles seront autres. L’histoire de la noblesse, de la monarchie et de l’église, à laquelle M. Thierry a su ajouter l’histoire si neuve des classes moyennes, demande donc successivement des recherches scrupuleuses et un consciencieux exa-