Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/273

Cette page a été validée par deux contributeurs.
269
HISTOIRE POLITIQUE DES COURS DE L’EUROPE.

cière, de l’étendre à toute la monarchie, à la Hongrie aussi bien qu’à la plus chétive de ses provinces. Mais le décret provoqua au sein de ce royaume une indignation générale. Il fut jugé comme un attentat flagrant à sa constitution politique. La haute noblesse, presque tout entière endettée et que cette mesure atteignait directement, fit, cette fois, cause commune avec la noblesse équestre, bien plus ardente et audacieuse dans ses attaques contre la cour. C’est au milieu de cette exaspération générale que le gouvernement convoqua la diète (juillet 1811), dans le but de lui faire accepter son décret. La session qui s’ouvrit alors ne fut qu’un long et opiniâtre combat entre la cour et cette assemblée, l’une pour imposer, l’autre pour rejeter la patente du 20 février. L’attitude de la seconde chambre dans cette session mémorable fut noble, ferme, digne en tout d’un peuple mûr pour l’indépendance et la liberté pratique. On la vit défendre pied à pied, avec beaucoup d’énergie et d’éloquence et une grande intelligence de la tactique parlementaire, les priviléges de la constitution, qui défendait expressément au roi d’augmenter les impôts sans le consentement des états. Quant au gouvernement, il commença par affecter des prétentions superbes. « Quelques régimens allemands, dit le comte de Wallis, feront bonne et prompte justice de tous ces esprits rebelles ; » parole imprudente à laquelle la diète répondit par ce fier défi : « On dit que l’empereur veut tirer l’épée contre nous, s’écria un député aux acclamations unanimes de l’assemblée ; soit : à notre tour, nous tirerons la nôtre ; nous ne souffrirons pas qu’on emploie la force pour nous soumettre ; nous nous donnerons plutôt à l’empereur Napoléon, qui nous gouvernera mieux. » La cour, d’abord menaçante, ne tarda pas à modifier son attitude et à adoucir son langage. Elle protesta de sa fidélité aux constitutions et aux libertés du royaume, cessa d’exiger au nom de ses droits souverains, mais seulement de l’intérêt général et à titre de secours indispensable dans la crise actuelle de l’Europe, le consentement des états au décret du 20 février. Ce changement dans la conduite du gouvernement impérial n’en amena aucun dans les dispositions de la diète hongroise : elle continua de repousser le décret avec la résistance la plus opiniâtre, et l’on ne peut prévoir quelle eût été l’issue de cette lutte violente, si la guerre de Russie et l’alliance avec la France ne fussent venues lui faire diversion. C’est la guerre de 1812 qui a peut-être sauvé l’Autriche d’une révolution en Hongrie. Autant ce projet de guerre soulevait de répugnances à Vienne, autant il remuait de sympathies chez les Hongrois. Ce peuple avait vu tomber la Pologne avec douleur, et il ne pouvait qu’applaudir à une entreprise dont le but devait être de la relever sur ses anciennes bases. Ce fut là la véritable cause qui détermina ses représentans à céder aux demandes de la cour. La diète non-seulement accepta la patente légèrement modifiée, mais, de plus, elle vota un impôt extraordinaire.

L’alliance entre la France et l’Autriche fut signée à Paris le 14 mars 1812, après une courte négociation dont les discussions ne portèrent que sur l’article 8 du traité secret.