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philosophiques. M. Ampère, dont l’esprit avide d’instruction se plaisait à se promener d’étude en étude, fut amené à considérer ce sujet d’un point de vue scientifique, et à essayer de refaire, sur un meilleur plan, ce qui avait été tenté plusieurs fois en vain, même par des hommes supérieurs. Toutes les fois que l’on réunit ensemble des généralités dans un ordre logique, il en ressort des enseignemens de toute nature, ainsi que plus de justesse dans les aperçus ; et l’esprit humain, revenant ainsi sur lui-même, se rend mieux compte de ce qu’il a fait et de ce qu’il peut faire, reconnaît la voie qu’il avait suivie, apprend à chercher en connaissance de cause ce qu’il avait plutôt poursuivi par instinct, et acquiert ainsi une sorte de maturité scientifique dont les effets se font toujours heureusement sentir. Les idées générales que l’on rassemble et que l’on coordonne, les classifications qui en dépendent et qui naissent, comme elles, de l’examen approfondi des détails, développent la réflexion et sont semblables à ces retours que l’homme, à mesure qu’il avance en âge, fait sur lui-même, et qui constituent pour lui le résumé de son expérience et le meilleur fondement de sa moralité.

Les classifications ont toujours été une œuvre difficile. Ignorées dans l’enfance des sciences, où les choses sont vues en bloc, elles commencent à naître lorsque les objets particuliers commencent eux-mêmes à être mieux connus ; et d’essais en essais, elles se perfectionnent, c’est-à-dire se rapprochent de plus en plus des divisions établies dans la nature elle-même ; car c’est un fait remarquable que, moins elles pénètrent au fond des choses, plus elles sont artificielles. Il en coûte beaucoup moins à l’homme d’inventer une méthode où il fait entrer, de gré ou de force, la nature incomplètement observée, que de saisir les caractères vrais et profonds qu’elle a imprimés aux choses.

La classification des sciences appartient de droit à la philosophie, et n’est pas une des moindres questions qu’elle se puisse proposer. En effet, si la philosophie a une double étude à poursuivre, celle de la psychologie et celle de l’ontologie, il est évident qu’une féconde instruction se trouvera pour elle dans l’usage que l’homme a fait de ses propres facultés et dans le jour sous lequel les diverses relations ontologiques, telles que celles du temps, de l’espace et de la substance, lui ont apparu. Entre la nature de l’esprit