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LES BELLES COLLINES D’IRLANDE.

Le jour où j’ai quitté le sol de mes aïeux,
La verdoyante Erin et ses belles collines,
Ah ! pour moi ce jour-là fut un jour malheureux.
Là, les vents embaumés inondent les poitrines ;
Tout est si beau, si doux, les sentiers, les ruisseaux,
Les eaux que les rochers distillent aux prairies,
Et la rosée en perle attachée aux rameaux !
Ô terre de mon cœur, ô collines chéries !

Et pourtant, pauvres gens, pêle-mêle et nus pieds,
Sur le pont des vaisseaux prêts à mettre à la voile,
Hommes, femmes, enfans, nous allons par milliers
Chercher aux cieux lointains une meilleure étoile :
La famine nous ronge au milieu de nos champs,
Et pour nous les cités regorgent de misère ;
Nos corps nus et glacés n’ont pour tous vêtemens
Que les haillons troués de la riche Angleterre.

Pourquoi d’autres que nous mangent-ils les moissons
Que nos bras en sueur semèrent dans nos plaines ?
Pourquoi d’autres ont-ils pour habits les toisons
Dont nos lacs ont lavé les magnifiques laines ?
Pourquoi ne pouvons-nous rester au même coin,
Et, tous enfans, puiser à la même mamelle ?
Pourquoi les moins heureux s’en vont-ils le plus loin ?