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LA DERNIÈRE ALDINI.

montable. Cette taille souple et voluptueuse qui s’abandonnait à moi, cette tête charmante qui se penchait vers mon visage, ce bras d’albâtre qui entourait mon cou nu et brûlant, cette chevelure embaumée qui se mêlait à la mienne, c’en était trop pour un garçon de dix-sept ans. Il était impossible qu’elle ne sentît pas les battemens précipités de mon cœur, et qu’elle ne vît pas dans mes yeux le trouble qu’elle jetait dans mes sens. — Je te fatigue, me disait-elle quelquefois d’un air mourant. — Je ne pouvais pas répondre à cette languissante ironie ; ma tête s’égarait, et j’étais forcé de m’enfuir aussitôt que je l’avais déposée sur son fauteuil. Un jour, Salomé ne se trouva pas, comme de coutume, dans le cabinet pour la recevoir. J’eus quelque peine à arranger les coussins pour l’asseoir commodément. Mes bras s’enlaçaient autour d’elle ; je me trouvai à ses pieds, et ma tête mourante se pencha sur ses genoux. Ses doigts étaient passés dans mes cheveux. Un frémissement subit de cette main me révéla ce que j’ignorais encore. Je n’étais pas le seul ému, je n’étais pas le seul prêt à succomber. Il n’y avait plus entre nous ni serviteur, ni patronne, ni barcarole, ni signora ; il y avait un jeune homme et une jeune femme amoureux l’un de l’autre. Un éclair traversa mon ame et jaillit de mes yeux. Elle me repoussa vivement, et s’écria d’une voix étouffée : Va-t-en ! J’obéis, mais en triomphateur. Ce n’était plus le valet qui recevait un ordre ; c’était l’amant qui faisait un sacrifice.

Un désir aveugle s’empara dès-lors de tout mon être. Je ne fis aucune réflexion ; je ne sentis ni crainte, ni scrupule, ni doute ; je n’avais qu’une idée fixe, c’était de me trouver seul avec Bianca. Mais cela était plus difficile que sa position indépendante ne devait le faire présumer. Il semblait que Salomé devinât le péril et se fût imposé la tâche d’en préserver sa maîtresse. Elle ne la quittait jamais, si ce n’est le soir, lorsque la petite Alezia voulait se coucher à l’heure où sa mère allait à la promenade. Alors Mandola était l’inévitable témoin qui nous suivait sur les lagunes. Je voyais bien, aux regards et à l’inquiétude de la signora, qu’elle ne pouvait s’empêcher de désirer un tête-à-tête avec moi ; mais elle était trop faible de caractère, soit pour le provoquer, soit pour l’éviter. Je ne manquais pas de hardiesse et de résolution ; mais, pour rien au monde, je n’eusse voulu la compromettre, et d’ailleurs, tant que je n’étais pas vainqueur dans cette situation délicate, mon rôle pouvait être souverainement ridicule et même méprisable aux yeux des autres serviteurs de la signora.

Heureusement, le candide Mandola, qui n’était pas dépourvu de