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tiers une bonne histoire toute neuve du passé, à la place de l’histoire moderne que nous promettait le titre de la chaire de M. Guizot.

Redire ou plutôt refaire tout le passé, la tâche est vaste. « Le lecteur prudent, nous dit le jeune professeur, s’effraiera peut-être avec moi des difficultés que présente l’exécution du plan que ce discours développe : pour le rassurer, il me sera permis peut-être d’annoncer que j’ai déjà franchi, tant bien que mal, les plus graves difficultés. Dieu aidant, je ferai le reste. » On voit que l’auteur sait allier avec la modestie la confiance dans les secours d’en haut.

Pour que les renseignemens donnés par Moïse sur les anciennes populations de l’Asie aient quelque valeur, il faut qu’il soit établi d’abord que ces renseignemens viennent bien de Moïse ; par conséquent, la première chose que veut prouver M. Lenormant, c’est l’authenticité des cinq livres qui portent le nom du législateur hébreu. Cette authenticité lui paraît résulter : 1o de l’unité de doctrine que l’on remarque dans ces livres ; 2o de quelques contradictions que l’on y a signalées. Suivons-le dans le développement de ces deux points.

Certains critiques, voyant dans la Genèse un dieu nommé Elohim, qui crée par la parole, puis un dieu nommé Jehovah, qui crée en façonnant la matière avec les mains, comme ferait un ouvrier, ont prétendu que le premier des cinq livres attribués à Moïse n’était autre chose qu’un amalgame de croyances diverses, et que par conséquent on n’y saurait reconnaître l’œuvre d’un législateur. M. Lenormant répond à cette objection de la manière suivante.

Le point de départ de la doctrine exposée par Moïse était une trinité. « Les patriarches avaient retranché le personnage féminin, déification de la matière. » Premier pas vers le spiritualisme. Il ne restait plus que « le dieu suprême, la source divine, le dieu père, Elohim ; et le dieu secondaire, l’émanation, le démiurge, Jehovah. » Dans le récit de la Genèse, nous voyons figurer à la fois ces deux dieux, et la création toute spirituelle du dieu Elohim « est entachée d’imperfection par la présence du démiurge, legs des patriarches, que Moïse sans doute n’a point osé effacer. » On sent que Moïse « bâtit avec des matériaux d’une nature encore imparfaite ; la croyance au dieu père et au dieu fils lui avait été léguée par un passé qu’il respectait ; » mais, voulant faire un nouveau pas vers le spiritualisme, il amoindrit, autant qu’il est en lui, la personne du démiurge, qui, comme nous venons de le dire, entache d’imperfection la création toute spirituelle d’Elohim. Non, je me trompe, c’est le contraire que fait