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REVUE. — CHRONIQUE.

élargir sa base et pour agrandir en même temps la majorité constitutionnelle et dynastique qu’il appelle à se grouper autour de lui.

Parmi les noms nouveaux que nous espérons voir sortir de l’urne électorale, il en est deux que tous les esprits sérieux ont depuis long-temps appréciés, MM. de Tocqueville et de Carné. Nous regrettons, en cette circonstance, de ne pouvoir mettre à côté d’eux un troisième candidat, qui réunirait aussi tous les titres que donne une célébrité précoce, acquise par d’utiles et importans travaux, M. Michel Chevalier. Mais on dit qu’il n’a pu accomplir à temps les formalités nécessaires pour établir une candidature, qui n’aurait pas manqué d’être fort sérieuse. Nous le regrettons, moins encore pour M. Michel Chevalier que pour la chambre élective, où nous désirons voir arriver toutes les capacités solides et tous les talens éprouvés dans la science de l’économie sociale et de la politique. C’est à ce double titre que nous y appelons de tous nos vœux MM. de Tocqueville et de Carné. Nous n’ignorons pas, cependant, que d’étroites préventions ont essayé de jeter des doutes sur le dévouement de M. de Carné à nos institutions libérales et au gouvernement de juillet ; mais nous croirions lui faire tort que de prendre sérieusement sa défense contre des insinuations qui n’oseraient pas se produire au grand jour, et qui sont empreintes de la mauvaise foi comme de l’ignorance la plus grossière. Esprit indépendant et progressif, M. de Carné connaît son siècle et marche avec lui ; en fait de libéralisme, il n’a de leçons à recevoir de personne, et toutes les questions qui touchent à l’honneur national trouvent en lui intelligence et patriotisme. Avons-nous besoin de dire que M. de Carné apporterait à la chambre des connaissances générales, quoique positives, de l’ordre le plus élevé, et que le résultat de ses belles études sur le système européen, sur la place que doit y revendiquer la France nouvelle, sur le mouvement des nations qui nous avoisinent, y éclairerait utilement les plus hautes discussions ? Pour nous, nos principes et notre dévouement à la révolution de juillet ne nous défendent pas d’accueillir des hommes qui ne se sont pas crus obligés, par le hasard de la naissance, à séparer leur avenir de celui du pays, et qui, pour ne pas s’en séparer, ont eu peut-être à lutter contre les affections du foyer domestique ou les sarcasmes de la société. La candidature de M. de Flavigny, dans le département d’Indre-et-Loire, est aussi une de celles dont nous désirons le succès ; car, si les électeurs n’envoient pas à la chambre quelques jeunes gens versés dans la connaissance pratique des grands intérêts de l’Europe et familiers avec ce qui s’est passé au dehors depuis une vingtaine d’années, il n’y aura bientôt plus personne qui ait lu les traités de Vienne et qui ait étudié nos relations positives avec les autres puissances. M. Bignon laissera, sous ce rapport, dans la chambre des députés un vide qu’il sera glorieux de combler. Il ne faut pas que, s’il s’élève une question du droit des gens, une discussion sur le texte ou les conséquences d’un traité, on en soit réduit aux sèches et froides citations de M. Isambert, l’homme texte, qui, malheureusement, n’a pas l’esprit aussi étendu, ni le jugement aussi sûr que la mémoire. Et encore la réélection de M. Isambert est-elle fort douteuse.

Celle de M. Mauguin ne l’est pas moins, malgré ses grandes prétentions à régénérer la chambre et à faire continuellement la leçon au ministère, à l’opposition, à tout le monde. M. Mauguin a de l’esprit et des connaissances, de l’esprit surtout : personne ne le conteste ; mais il le dépense à la tribune