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que je dois avoir affaire, sans doute ils ne seront pas plus méchans que vos robins ; mais si c’est à des hommes, ils auront plus de cœur… Je pourrais accepter toutefois, tenté par la singularité de l’aventure, mais ce ne serait qu’autant que l’amnistie s’étendrait à tous mes gens, non-seulement à ceux qui sont sous les verrous, mais encore à un autre, qui en ce moment court les champs, et que je voudrais avoir près de moi dans l’expédition, si je consens à m’en charger.

Ces conditions furent acceptées sans hésitation par les magistrats, qui s’attendaient à en recevoir de plus exorbitantes encore. Le soir même, le fugitif se présenta sans qu’on pût savoir comment il avait été averti, et dès le lendemain matin toute la troupe se rendit au couvent, où on l’attendait avec impatience.

Avant de procéder à l’attaque, Wolfskruyt s’occupa, comme s’il se fût agi d’une de ses expéditions ordinaires, de réunir tous les renseignemens qui pouvaient jeter quelque jour sur la force et sur les mouvemens de l’ennemi. Il se fit décrire, par plusieurs des personnes qui avaient assisté au premier essai, les traces trouvées sur la cendre ; puis, pour le second, il interrogea Anselme sur diverses circonstances, en apparence peu importantes, mais qui lui permettaient de juger jusqu’à quel point le frère avait pu se faire illusion. Prenant ensuite ses gens à part :

— Ce grand flandrin de moine, leur dit-il, prétend avoir eu peur, et cependant il semble n’être rien moins qu’un poltron ; pour menteur, il ne l’est pas à coup sûr, mais il aura été pris pour dupe. Qui sait si d’honnêtes personnes, de celles qui, pour raisons particulières, n’aiment pas à travailler au grand jour, n’ont pas conçu l’idée de faire de cette partie du couvent leur quartier-général ? Dans ce cas, il est tout simple qu’ils aient cherché à en chasser les moines par quelque diablerie… Contre nous, il faudra qu’ils aient recours à d’autres armes. Eh bien ! en supposant que ce soient des faux-monnayeurs, nos corselets sont à l’épreuve de leurs marteaux, et leurs casaques seront une pauvre défense contre le tranchant de nos épées… Comme il faut tout prévoir cependant, voyons ce que nous ferions si, comme ces papelards se l’imaginent, c’était quelque bête monstrueuse que nous eussions à combattre. J’avoue que je ne sais pas trop quelles sont les allures d’un monstre ; mais qu’importe ? pour terrible qu’il soit, il n’aura pas plus d’agilité que le cerf, plus de force que l’ours, plus d’impétuosité que le sanglier, plus de ruse que le renard, et nous pouvons réunir contre lui tous les moyens qu’on emploie pour forcer ces différens animaux. Viennent donc les