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Sébastopol, par un magnifique yacht, au milieu d’une société brillante. La ville de Sébastopol ne date que de la possession de la Crimée par les Russes ; avant eux, la rade était déserte. Aujourd’hui le port, dont la nature a fait tous les frais, est armé de trois cent cinquante pièces de canon. La division de l’escadre qui tenait la mer pour son instruction, venait alors d’y rentrer ; elle se composait de cinq vaisseaux de ligne et de cinq frégates, et deux jours après elle devait ressortir. Il est précieux d’avoir, pour former une marine, une mer intérieure comme la mer Noire, où, en guerre comme en paix, on peut s’exercer avec sécurité.

Maintenant voici ce que nous recommandons à l’attention de l’Europe ; nous citons textuellement. « D’après les ordres de l’empereur, l’escadre de Sébastopol est toujours en mesure, soit avec ses moyens propres, soit avec quelques secours, de recevoir à son bord une division forte de seize mille hommes, qui est cantonnée à portée, dans la presqu’île. Cet embarquement peut-être fait en deux fois vingt-quatre heures, l’escadre appareiller le lendemain ; et comme les vents du nord règnent presque toujours dans la mer Noire, elle peut, en quarante-quatre heures, être à l’entrée du Bosphore. Si donc des circonstances politiques exigeaient que cette force y fût envoyée, elle y serait rendue cinq jours après les ordres donnés, c’est-à-dire bien avant que les ambassadeurs, de France et d’Angleterre fussent informés qu’on se prépare à l’y diriger. Depuis l’abaissement de la puissance turque, il n’y a pas de lutte possible dans ces parages entre les autres puissances de l’Europe et la Russie. La frontière de cette dernière puissance sera aux Dardanelles le jour où une collision éclatera en Europe. »

Nous ne suivrons pas le duc de Raguse dans son voyage de la Crimée, la Chersonèse taurique des anciens. Les récits du savant Pallas ont déjà fait connaître cette péninsule, où il vint finir ses jours. Nous saluerons seulement en passant Kertch, bâtie sur l’emplacement de l’ancienne Panticapée, ville qui fut occupée par Mithridate, dont le maréchal parle avec une noble simplicité. « Tout ici, dit-il, rappelle encore Mithridate et porte son nom ; on croirait qu’il vient de cesser de vivre. La grandeur des actions laisse des souvenirs ineffaçables : le succès n’est pas toujours nécessaire pour briller aux yeux de la postérité… » En parlant de la gloire qui peut s’attacher au malheur, le voyageur ne faisait-il pas quelque orgueilleux retour sur lui-même ?

Après une excursion dans l’île de Taman, et quelques autres pro-