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chargé de correspondance pour certains journaux, il revit l’Espagne, il visita l’Angleterre ; il savait à merveille ces deux pays, parlait leur langue dans toutes les propriétés de l’idiome, chérissait leurs poètes, leurs peintres : il était intéressant à entendre là-dessus. Sa douleur, son inquiétude seulement se demandait s’il parviendrait à rendre et à produire tout cela. Des infortunes privées, tout un roman désastreux que tous ses amis savent, s’y joignirent et achevèrent de ruiner, non pas son courage qui fut grand jusqu’au bout, mais sa santé et ses forces. D’une main affaiblie il écrivait encore dans cette Revue, il y a peu de temps, de bien fermes et spirituelles pages sur les romans et poésies du jour[1] ; si quelque ironie chagrine y perce, il n’est aucun des blessés, aujourd’hui, qui ne le lui pardonne. Nous publierons prochainement un dernier travail que nous avons de lui. Ses contemporains, ses amis de dix ans déjà, perdent, en M. Fontaney, un de ces hommes avec qui l’on sent, avec qui l’on est d’accord même sans se revoir, et qui font, en disparaissant successivement, que notre meilleur temps se voile, et que la vie devient comme étrangère.


L’INSTRUCTION PUBLIQUE EN DANEMARK.

M. Marmier, en partant pour continuer ses études et ses travaux sur la littérature du Nord, avait été autorisé et invité par M. Guizot, alors ministre de l’instruction publique, à lui adresser des lettres sur l’instruction populaire et sur les écoles du Danemark et de la Suède. M. de Salvandy, avec le zèle bienveillant dont il se montre animé, s’est empressé de réaliser l’intention de son prédécesseur, et de confirmer la mission de M. Marmier. Nous donnons ici la première lettre adressée à M. le ministre par notre collaborateur.


Kiel, 8 mai 1837.
Monsieur le ministre,

Je vous écris d’une université appartenant au Danemark, et je suis encore en Allemagne. Les deux duchés de Schleswig et de Holstein, tout en suivant les lois que leur donne le gouvernement auquel ils sont soumis, maintiennent avec orgueil leur principe de nationalité allemande, et l’université de Kiel, située au bord de la mer Baltique, est comme une forteresse destinée à défendre cette nationalité contre toute invasion étrangère. Dans plusieurs occasions cet amour de l’Allemagne s’est manifesté avec une étrange susceptibilité.

C’est ainsi, par exemple, que tous les efforts tentés pour introduire l’usage de la langue danoise dans le pays de Holstein et de Schleswig ont complètement échoué. En vain le gouvernement a-t-il établi à Kiel une chaire de langue danoise, en vain a-t-il prescrit l’étude de cette langue à tous ceux qui aspiraient à obtenir un emploi, le professeur a toujours vu sa salle déserte, et quand le jour de l’examen est venu, les étudians ont appris juste le peu de mots nécessaires pour obtenir le certificat qu’on

  1. Articles signés Y. C’était M. Fontaney aussi qui avait écrit dans la Revue des esquisses sur le parlement anglais fort remarquées, et signées Andrew O’Donnor.