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tout-à-fait en république indépendante et neutre ; il y eut à ce sujet des pourparlers établis, des propositions échangées ; et si l’Espagne n’eût fait promptement sa soumission, si elle ne fut entrée, par le traité de Bâle, dans les intérêts et l’alliance de la France, nul doute que les provinces basques n’eussent offert, au milieu des Pyrénées, le pendant des républiques qu’organisait, en-deçà et au-delà des Alpes, notre propagande victorieuse.

Il ne s’agit plus à présent d’établir, par force et contre nature, des républiques éphémères, qui devaient mourir demain parce qu’elles étaient nées d’aujourd’hui. Il s’agit, au contraire, d’empêcher une transformation violente ; il s’agit de maintenir un fait accompli, un fait immémorial. Pourquoi ne reviendrait-on pas maintenant au projet d’alors ? Pourquoi ne ferait-on pas, des provinces basques et de la Navarre, une confédération indépendante et neutre, une Suisse des Pyrénées ? Ni la distance des époques, ni la diversité des circonstances n’empêchent que ce qui semblait bon en 1795 ne paraisse meilleur en 1836 ; et nous espérons démontrer que l’établissement de ces provinces en état neutre serait la solution la plus conforme à tous les intérêts que pût rencontrer maintenant la querelle sans issue où l’Espagne et ses voisins se trouvent engagés.

D’abord il est facile de prouver que tout, dans ce pays, nature, mœurs, institutions, coutumes, concourt bien mieux qu’en Suisse à la formation d’un état indépendant. Les provinces basques et la Navarre, entre les Pyrénées et la mer d’un côté, l’Ebre de l’autre, de hauts pics ou de profondes vallées sur leurs flancs de l’Aragon et des Asturies, ont leurs limites naturelles mieux tracées que la Suisse entre le Jura, la Savoie et le Tyrol. Aussi bien que la Suisse, elles ont l’immémoriale habitude de la vie fédérale, des assemblées populaires, des pouvoirs élus. Elles ont également leurs lois civiles, commerciales et criminelles. Dans la confédération helvétique, des cantons sont catholiques, d’autres protestans ; les quatre provinces exemptes ont la même religion. Dans la confédération helvétique, des cantons parlent français, d’autres allemand, d’autres italien ; les provinces basques non-seulement parlent la même langue, mais elles ont leur langue propre, qui n’appartient qu’à elles, et qui en fera toujours une nation à part, à quelque union forcée que la politique veuille les soumettre.

Il y a donc, dans l’état des choses, dans le vœu de la nature et