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Les députés des comtés étaient nommés chevaliers (knights), ce qui n’indiquait pas que les éligibles appartinssent à une autre classe que les électeurs, puisque dans le principe, les francs-tenemens (freeholds) étaient assimilés aux tenures en chevalerie. Les freeholders, comme on l’a vu, étaient dans le principe les seuls propriétaires de biens ruraux ; ainsi les chevaliers des comtés étaient les représentans de la propriété territoriale. Les citadins et bourgeois qu’envoyaient au parlement les cités et les bourgs étaient élus, soit par le peuple en masse, soit par les hommes qu’il avait déjà choisis pour régler ses intérêts les plus immédiats, par les officiers municipaux et les prudhommes des corps de métiers[1] ; ils représentaient les intérêts de l’industrie et du commerce. Enfin les deux universités nommaient aussi leurs députés, et à cette élection participaient non-seulement les dignitaires du corps, mais tous ceux qui avaient pris le grade de docteur et même celui de maîtres-ès-arts, de manière que les capacités, comme on dit aujourd’hui, étaient représentées tout aussi bien que l’étaient les intérêts matériels ; cela n’était pas trop barbare, il en faut convenir. Une autre disposition qui ne sentait nullement non plus la barbarie, est celle dont je vais parler maintenant, puisque j’ai oublié de le faire à l’occasion de l’établissement des freeholds. J’ai dit qu’une des obligations du freeholder était d’assister à la cour ou tribunal de la baronnie, pour y remplir, le cas échéant, les fonctions de juré. Or, il faut savoir que ce tribunal faisait partie si essentielle de la baronnie, que s’il devenait impossible de le former, faute de trouver trois freeholders au moins, aptes à remplir les fonctions de jurés, la baronnie par cela seul cessait d’exister. Ainsi, le signe de la décrépitude pour ces seigneuries était qu’elles fussent devenues incapables, non pas de fournir au seigneur par amont, un nombre déterminé d’hommes d’armes, mais de composer un tribunal pour l’administration de la justice, un tribunal où chaque homme fût jugé par ses pairs. Un pareil fait n’a pas besoin de commentaires.

Par le peu que j’ai dit du mode de répartition des députés entre les comtés et les bourgs de l’Angleterre, on a dû voir que cette répartition était dans le principe assez conforme aux besoins ; il faut maintenant montrer jusqu’à quel point était venu le désaccord entre des intérêts qui avaient changé et une institution restée immuable ; les disproportions étaient parfois au-delà de tout ce qu’on pourrait imaginer.

  1. Ces officiers des corporations, ayant droit de porter dans les cérémonies publiques un vêtement distinctif, livery gown, étaient souvent désignés sous le nom de livery- men, gens portant livrée, nom auquel s’attachait l’idée, non d’une servitude, comme semblerait l’indiquer la valeur qu’a aujourd’hui le mot dans notre langue, mais celle d’un insigne honorifique.