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SIMON.

— Et cette nuit, dit Jeanne, oh ! c’est cette nuit que je redoute pour lui ; la dernière a été si terrible !

— Pauvre Simon ! dit Fiamma ; allons, mère Féline, il n’y a qu’un moyen. Vous monterez sur Sauvage ; il est doux comme un mouton quand je suis avec lui. Je le tiendrai par la bride, et je vous conduirai à pied jusqu’à la ville.

— Il y a trois lieues ! Je ne le souffrirai jamais. Prenez-moi en croupe.

— Sauvage n’est pas habitué à cela ; il pourrait nous jeter toutes deux par terre ; d’ailleurs il est si petit, que nous serions fort mal à l’aise sur son dos. Allons, je cours le chercher, êtes-vous prête ?

— Je ne me laisserai jamais conduire ainsi par vous.

— Il le faut pourtant bien, ce sera charmant, nous aurons l’air de la Fuite en Égypte.

— Mais que va-t-on dire ? il ne faut pas nous montrer ainsi dans le village.

— Traversez-le à pied, et attendez-moi au grand buis, à l’entrée de la montagne ; nous irons par la Coursière, nous ne rencontrerons personne. Allons, partez, j’y serai aussitôt que vous.

Un quart d’heure après, ces deux femmes cheminaient sur le sentier sinueux de la montagne, Jeanne assise sur le petit cheval et enveloppée dans sa cape. Fiamma marchait devant elle, un petit manteau espagnol jeté sur l’épaule, la bride passée au bras, et de temps en temps parlant à Sauvage pour le calmer, car il était fort ennuyé d’aller ainsi au pas et de n’être pas sollicité à caracoler de temps en temps. Cependant, le sentier devenant de plus en plus difficile et escarpé, la nuit commençant à tomber, l’instinct de la prudence le rendit calme et attentif à tous ses pas. Quoique Fiamma marchât comme un Basque, franchissant les roches et se débarrassant des broussailles avec plus de légèreté que Sauvage lui-même, il était sept heures du soir lorsqu’elle aperçut les lumières de la ville. Elle engagea sa vieille amie à mettre pied à terre pour descendre le versant rapide de la dernière colline ; et tandis que Sauvage les suivait de lui-même comme un chien, elle soutint Jeanne de son bras robuste et la conduisit jusqu’aux premières maisons. Là, elle lui remit sa lettre pour Simon, et après l’avoir embrassée, elle remonta sur son cheval.