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siste en particulier sur l’inflammation de la gorge et sur le sentiment de brûlure qu’éprouve le malade.

On a été long-temps avant de savoir au juste dans quelle partie résidait le venin des crapauds, et beaucoup de gens croyaient que tout en eux était nuisible. Élien dit qu’on doit se garder soigneusement du souffle d’un crapaud qu’on a irrité, et que si l’on s’y expose imprudemment, on en reste plusieurs jours pâle et livide. Il ajoute que le regard de l’animal est dangereux, et bien d’autres l’ont cru après lui. Au reste, si l’œil du crapaud agit sur l’homme, l’œil de l’homme, s’il en faut croire certains auteurs, agit non moins puissamment sur le crapaud. Vanhelmont assure que si on place un de ces animaux dans un vase assez profond pour qu’il n’en puisse sortir, et qu’on le regarde fixement, on le fait infailliblement mourir. Un capucin défroqué, qui se faisait appeler l’abbé Rousseau et prenait le titre de médecin de Louis xiv, assure avoir répété quatre fois en Égypte cette expérience sans qu’elle manquât jamais, et s’être fait ainsi regarder par les Turcs comme un saint à miracles. Si l’expérience s’est faite en plein soleil, elle perd beaucoup de son merveilleux ; car, même dans nos climats, où la puissance de ses rayons est bien moindre, il suffit d’une insolation un peu prolongée pour tuer un crapaud. Averti par son instinct de ce danger, l’animal ne s’y expose jamais volontairement, et ce n’est d’ordinaire qu’à l’entrée de la nuit qu’il se met en campagne.

Rousseau dit encore que, passant par Lyon à son retour des pays orientaux, il voulut recommencer l’expérience. Cette fois le crapaud ne mourut point ; il s’agita, se gonfla, s’éleva sur ses pattes et regarda l’abbé avec des yeux enflammés. Celui-ci bientôt se sentit défaillir, fut pris d’une sueur froide, d’un relâchement général. Bref, il éprouva les suites ordinaires et bien connues d’une grande frayeur ; il n’y a là rien qui ne soit assez croyable.

Si l’on attribue à l’œil du crapaud un pouvoir de fascination, cela ne tient peut-être pas seulement au sentiment pénible qu’on éprouve à sa vue, sentiment que ses formes hideuses et son odeur rebutante suffiraient presque pour inspirer, même quand il ne s’y mêlerait aucune idée de danger. On aura remarqué sans doute que, malgré la lenteur de ses mouvemens il se nourrit d’insectes très agiles, et on aura été conduit à supposer que les mouches, les sauterelles qu’on lui voyait dévorer étaient attirées vers sa bouche par un pouvoir irrésistible, comme on dit que le sont les petits oiseaux vers celle du serpent. Linnée lui-même est tombé dans cette erreur, et ainsi le fait vaut la peine qu’on s’y arrête.

Si l’on suit les mouvemens d’une grenouille ou d’un lézard qui chassent