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la monarchie constitutionnelle : je crains fort que cette possibilité n’existe pas plus dans l’avenir que dans le présent. S’il s’est opéré une réaction salutaire vers les idées d’ordre matériel, s’il s’en opère une plus manifeste et plus haute vers les idées religieuses, je cherche vainement à l’horizon les signes précurseurs d’un retour aux théories constitutionnelles, telles que les professe encore une école dont les principes et les tendances seront appréciés ailleurs. Je crains que cette école, si éminente par sa science historique, ne se trompe gravement en traitant comme une monomanie transitoire des idées qui ne fléchiront pas ; Je crains qu’au lieu de chercher la force là où elle ne lui manquerait point, elle ne l’attende d’un mouvement d’esprit qui ne se produira jamais.

Qu’elle se garde de susciter une collision entre la chambre élective et une pairie au titre équivoque ; qu’elle ne mette pas la prérogative royale en regard de la prérogative parlementaire, si elle ne veut la voir compromise ; qu’elle ne vienne pas emprunter des principes à Delolme et des précédens à M. Hallam, sous peine de voir la royauté rappelée brusquement à l’humilité de son origine.

Elle ne manquera, cette royauté, ni d’armes, ni d’argent, ni de lois répressives ; mais on se réserve de lui faire la vie dure en la contrariant dans tous ses penchans ; on lui frappera familièrement sur l’épaule, et l’on paraîtra devant elle en frac et en souliers ferrés.

Si la monarchie est encore pour plusieurs esprits une croyance sociale, elle n’est plus, pour le grand nombre, qu’un intérêt ; mais cet intérêt s’enlace aujourd’hui, dans la classe moyenne, au principe même de son existence politique, et le plus puissant argument que puisse employer la royauté, pour tenir en respect la bourgeoisie, est celui dont usait l’astrologue de Louis xi pour avoir raison des capricieuses velléités de son maître : « Je mourrai juste trois jours avant Votre Majesté. »

Nous ne sommes pas des Vendéens, disait au roi Louis-Philippe un honorable représentant de l’opinion dynastique. Vous n’êtes pas même des whigs, aurait-on pu répondre, car ceux-ci vénéraient la constitution qu’ils avaient, non pas faite, mais conservée, et ce fut la couronne d’Alfred-le-Grand et d’Édouard-le-Confesseur qu’ils posèrent au front du restaurateur des institutions nationales. Mais vous, ne tenez-vous pas à honneur d’établir que la couronne du 9 août a été fabriquée chez l’orfèvre Odiot, comme celle du roi Othon ? et considérez-vous la royauté autrement que comme un paratonnerre pour préserver vos boutiques ? Sa boule est étincelante d’or, il est vrai, mais prenez garde ;