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REVUE. — CHRONIQUE.

tionnaire frapper à grands coups de canne un jeune homme sans défense, et un autre député empoigner un citoyen, et l’arrêter avec toute la grace d’un gendarme. Que dire de cette section de la chambre, étrangère à la chambre, il faut le dire, et bien faible, heureusement, qui ressemble plus à une bande de reîtres ivres qu’à des législateurs ? À Sparte, on donnait aux citoyens le spectacle salutaire d’un esclave abruti par le vin ; la chambre, nous nous plaisons à le reconnaître, a tiré un moral enseignement de la vue de cet homme, qui ne monte à la tribune que pour parler de ses duels et pour pousser des cris de rage. Entraînée un moment, la chambre semble revenue à des idées plus calmes, et tout promet qu’elle se séparera de plus en plus des énergumènes qui l’ont un moment échauffée. Les intelligences élevées telles que celles de M. Guizot, de M. de Broglie et de M. Royer-Collard, ont repris l’influence qu’elles n’auraient pas dû perdre un moment, et tout promet que l’avenir sera exempt de tant d’affreux scandales.

La chambre des pairs, d’un naturel plus calme, prend aussi une attitude qui convient mieux à sa haute situation. On a remarqué avec satisfaction un grand adoucissement dans les manières de son président, et on lui sait gré de l’attention qu’elle a prêtée au discours de Me Michel (de Bourges). On ne peut se faire, en lisant les journaux, une idée de ce morceau, dont l’esprit vigoureux et incisif était encore augmenté par le ton âpre et ironique de l’avocat. Il faut avoir vu Me Michel se promenant de long en large, devant la barre, et lançant tour à tour sa parole aux deux extrémités de la noble assemblée, allant, venant avec plus ou moins de rapidité, selon que sa véhémence croissait ou diminuait, pour bien sentir toute la force de ce plaidoyer. M. Duvergier de Hauranne se trouvait dans une tribune, en face de l’avocat, et l’apostrophe qui lui était adressée, est parvenue directement à son adresse ; réponse terrible, et que le jeune député ne s’attendait pas sans doute à recevoir, en venant dans l’autre chambre. — M. Duvergier aura payé bien cher sa place sur les bancs de la pairie, où sans doute il viendra s’asseoir quelque jour.

Cet incident, ce procès sur procès, une fois terminé, la chambre sentira retomber plus lourdement que jamais sur ses épaules le lourd fardeau du procès-monstre. Après le long ennui des interrogatoires et du jugement des accusés dociles, il faudra bien en revenir à ces redoutables accusés récalcitrans. On espère que quelques prévenus de Lyon accepteront le bénéfice de l’obéissance, et on les traitera avec toute la douceur possible. Mais enfin viendront les accusés de Paris, ceux-là ne composent pas ; ils résisteront jusqu’au bout, et il faut qu’à leur égard la chambre se détermine. On ne peut songer à les juger sur pièces. M. Molé a si bien posé la question, il a si nettement posé le droit, que sa retraite, qui aurait certainement lieu alors, entraînerait la moitié de la chambre. Déjà, dans la dernière discussion, il ne lui manquait que quatre voix pour former une majorité. Ce n’est donc qu’avec beaucoup de peine qu’on est parvenu à écarter sa proposition, qui consistait à demander aux chambres une loi de procédure pour la chambre des pairs ; et comme les lois de procédure s’appliquent aux causes entamées, on se trouverait dans la légalité, d’où l’on sort chaque