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tefeuille des affaires étrangères, sous la présidence du maréchal, mais seulement en présence des ministres entrans, après avoir conféré avec eux tous, et établi les bases principales de notre administration. Novembre m’a rendu défiant. — On pense bien qu’on se sépara sans rien conclure.

On trouva les mêmes dispositions chez M. Dupin. M. Dupin s’est plus nettement posé depuis quelque temps. Au mois de novembre, il se défendait d’accepter un portefeuille ; il mettait on ne sait quel amour-propre puéril à faire des ministres et à ne l’être pas. Aujourd’hui, M. Dupin dit à qui veut l’entendre, et hier il nous disait encore à nous-mêmes, qu’il est prêt à accepter le portefeuille de la justice, même sous la présidence de M. le maréchal Soult, si on lui donne satisfaction sur ses principes, et si le président du conseil s’entend avec tous ses nouveaux collègues, réunis, à cet effet, comme le demande M. Molé, pour poser les principales questions. « Nous voulons un ministère qui soit un, solidaire, indépendant et responsable, » a dit M. Dupin dans la discussion du projet de l’adresse de 1834 ; il le répète encore : il veut une présidence réelle, il veut un système ministériel, il veut tout ce que ne veut pas la brochure de M. de Roederer. C’est dire qu’on trouvera de hauts et puissans obstacles à composer un ministère dont M. Dupin ferait partie.

M. Dupin s’est attaché à un principe fécond, aux prérogatives de la chambre. Dans ses conférences avec le roi, il lui a répété ce qu’il dit à tout le monde, qu’il faut résoudre la question qui jette la France dans des crises périodiques, et en finir de tous ces fatigans épisodes, de ces comédies ministérielles qui se jouent depuis deux ans. Le malheur des hommes d’état, c’est de s’imaginer que, dans les affaires politiques, il s’agisse de personnes et non de principes, et qu’on peut éluder les questions seulement en admettant quelques noms nouveaux dans un cabinet. M. Dupin a le bon esprit de rejeter cette alliance. Différant de principes avec M. Thiers et M. Guizot, il déclare qu’un ministère de coalition entre eux et lui serait impossible, tandis que M. Molé parle quelquefois avec complaisance de la facilité oratoire de M. Thiers, et de l’agrément qu’il y aurait pour un ministère à se procurer la jouissance de ce bel instrument. M. Dupin, au contraire, défie qu’on marche deux mois avec une telle alliance. On serait divisé sur chaque question, dit-il judicieusement ; on marcherait de difficulté en difficulté jusqu’à une dissolution nouvelle. Il faut que le roi ou la chambre fasse le ministère ; et il ajoute qu’en acceptant sans conditions un portefeuille avec le maréchal Soult, il ne serait qu’un embarras pour le pouvoir, à qui il n’apporterait pas la majorité.

La force des ministres, dit-il enfin, n’est que dans les chambres ; et il