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POÈTES ET ROMANCIERS ANGLAIS.

ces longues heures de travail, ce joug de plomb qui pèse sur la jeunesse, cette discipline militaire et monacale qui comprime son élan, cette jalousie excitée par les concours, ce mélange de toutes les nuances de caractères, timides ou hardis, impérieux ou souples ; la terreur universelle inspirée par le despotisme nécessaire pour gouverner cette masse turbulente : voilà bien des causes pour donner à ces jeunes âmes je ne sais quelle férocité prématurée. Un esclave est volontiers tyran. On serait étonné des exemples de cruauté, des actes d’oppression sans remords qui ont lieu dans ces geôles de la jeunesse souffrante, comme Michel Montaigne a raison de les nommer. Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, Locke ont fait sentir l’extrême danger de l’éducation publique, ainsi dirigée par une discipline de soldat et des souvenirs de couvent ; ils ont montré les forts écrasant les faibles, les grands tyrannisant les petits, et sous la prétendue égalité du collége, les iniquités d’une société mal organisée s’établissant au milieu des fleurs de la rhétorique et de l’étude de Cicéron. Cowper conserva toute sa vie l’empreinte de ses souffrances de collége ; son caractère naturellement ombrageux devint si misérablement timide, que la présence des hommes fut pour lui un supplice. Il étudia ensuite la jurisprudence, ou plutôt il fit semblant de l’étudier. Ses véritables occupations, ses occupations sérieuses se réduisaient à quelques niaiseries enfantines ; il dessinait le paysage, jouait de la flûte, élevait des oiseaux ; et quand on vint troubler sa délicieuse paresse en lui demandant compte de ses études, il se trouva fort malheureux. Non seulement il ne savait rien ; mais, au lieu d’avoir acquis la confiance, l’aplomb, ou, si l’on veut, l’arrogance nécessaire à quiconque se présente en public, sa timidité n’avait fait que s’accroître ; on reconnut qu’il ne serait jamais reçu avocat ; et sa famille, qui avait du crédit, obtint pour lui la charge lucrative de commis des comités secrets de la chambre des pairs. Il fallait se montrer à des hommes assemblés. Il eut peur, et donna sa démission avant d’avoir occupé la place. On espéra qu’en le nommant ensuite commis des journaux de la chambre basse, on vaincrait la difficulté offerte par son caractère. Il s’agissait d’occuper un cabinet isolé et de tenir en ordre les journaux du parlement. Malheureusement une discussion vint à s’élever à propos