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cinq ou six ans, puisque j’ai eu à combattre leur système et leurs pernicieux projets. À présent que nous avons gagné la bataille, je ne pense plus un instant à ces querelles qui m’occupaient alors, et l’ennui me reprend de plus belle. — Je suis ambassadeur. Je n’ai plus qu’un pas à faire : il y a cent à parier contre un que je serai ministre. Qui n’a pas été ministre ? J’en vois autour de moi vingt dans la chambre des pairs dont je ne fais aucun cas, sous aucun rapport. Est-ce là une célébrité souhaitable ? — Je m’ennuie moins, il est vrai, quand je compose. Les Martyrs, les deux premiers actes de Moïse, que j’ai finis dans mon jardin d’Aulnay, m’ont donné quelques momens d’activité. C’est le savetier qui tourmente sa pantoufle et bâille après l’avoir achevée. — Il y a deux ou trois choses dans le monde que j’admire profondément. Je pleure d’attendrissement moins que d’admiration. Une ode d’Horace, une petite pièce de vers de Voltaire qui en a le plus approché et le surpasse quelquefois, me font pleurer.


Si vous voulez que j’aime encore,
Rendez-moi l’âge des amours ;
Au crépuscule de mes jours
Rejoignez, s’il se peut, l’aurore.


« Il y a dans cette stance et celles qui la suivent un sentiment, un abandon qui me touchent vivement. — Mais c’est surtout pour les grands traits que mon admiration redouble. Je ne puis penser même vaguement à la péroraison de l’oraison funèbre sur la mort du prince de Condé, que je ne sente mes yeux se mouiller. Toute la richesse de notre langue est là, toute son harmonie. Ce mot administration si poétiquement placé ! ah ! voilà le sublime ! Et à côté des dernières paroles du grand Bossuet prononcées sur la tombe du grand Condé, qu’on mette François de Neufchâteau, faisant l’éloge d’un général républicain, on sentira tout ce qui manque à notre siècle. Buffon excite parfois mon admiration ; Rousseau jamais. — Montesquieu est l’homme du monde qui a le mieux parlé des Romains. C’est encore un grand siècle que celui qui a produit ces trois hommes — et Voltaire. — Je n’ai jamais lu la première scène d’Athalie sans pleurer ; elle faisait fondre aussi Voltaire en larmes. —