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Le dernier roman de M. de Balzac nous a fourni l’occasion de lire une brochure dont le sujet est le même, mais qui contient une histoire vraie et bien récente. Nul doute que, si M. de Balzac avait connu ce petit écrit, il n’eût donné à son livre le cachet de réalité qui y manque, et ne se fût garanti de beaucoup d’à-peu-près qui sont faux. Un alchimiste de nos jours (car, de nos jours, il y a çà et là répandus et cachés un assez grand nombre d’alchimistes encore) a fait imprimer en 1832, chez Félix Locquin, rue Notre-Dame-des-Victoires, le récit de ses tribulations et de sa découverte, sous le titre d’Hermès dévoilé. L’auteur de ce récit, qui ne se nomme pas, est évidemment un homme vertueux, d’une parfaite bonne foi, sensible de cœur et pénétré de la vérité de ce qu’il raconte. Nous citerons le début : « Le ciel m’ayant permis de réussir à faire la pierre philosophale, après avoir passé trente-sept ans à sa recherche, veillé au moins quinze cents nuits, éprouvé des malheurs sans nombre et des pertes irréparables, j’ai cru devoir offrir à la jeunesse, l’espérance de son pays, le tableau déchirant de ma vie, afin de lui servir de leçon, et en même temps de la détourner d’un art, etc. » en effet, l’honnête alchimiste, bien qu’il ait trouvé le secret de la transmutation, conserve jusque dans son triomphe un sentiment si profond de son infortune passée, qu’il voudrait détourner les jeunes gens des périls de cette science hermétique, au moment même où il la leur dévoile obscurément. Ses épreuves, pauvre homme ! furent grandement amères ; Bernard de Palissy n’en eut pas en son temps de si lamentables. Marié jeune, devenu père d’une nombreuse famille, l’alchimiste, qui ne se désigne lui-même que comme l’infortuné Ci...., dissipe la dot de sa femme, voit mourir de misère et de chagrin tous ses enfans ; mais il prend à toutes ces douleurs qui l’entourent une part de sympathie bien autrement active et humaine que Claës ; ce sentiment de bienveillance pour les hommes et de compassion pour les siens, qui se mêle à une si opiniâtre recherche, est un trait naturel que le romancier n’a pas assez deviné ni ménagé. Chaque ligne de ce petit écrit annonce un travailleur long-temps séquestré du monde, ignorant naïvement le train des choses, et en parlant avec une sorte d’enfance. Mais le plus touchant et le plus inimitable endroit