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mais il est lui ; il conserve son type, sa personnalité : jamais il ne descend à l’intrigue ; il s’élève ou il tombe avec sa sincérité instinctive.

Mais qu’est-ce qu’un tiers-parti ? Comment suivre et définir ce mouvement de quelques hommes dénués de passions fortes et généreuses, cette cabale politique qui a son but intéressé, y marche tortueusement, oppressive pour les faibles, s’abaissant devant les forts ? Que peut créer un tiers-parti dans la marche générale des faits ? Quelles ont été ses conceptions, et quels résultats d’avenir a-t-il obtenus ? Prenez l’histoire : ce fut un tiers-parti qui enfanta le ridicule cardinal de Bourbon roi de France ; les petitesses parlementaires de la Fronde, ce dénouement d’archevêchés et de ruelles, à qui faut-il l’attribuer, si ce n’est encore à un tiers-parti ? En 1789, dans ces grandes scènes d’agitations et de force populaire, il se personnifie en Sièyes et meurt dans son partage constitutionnel. Voici venir la puissante Convention ! alors il barbotte dans le Marais ; par peur, il s’associe à Robespierre ; il vote avec tous et pour tous sous le Directoire, proscrivant au 18 fructidor, saluant la révolution militaire de Bonaparte. Les époques d’influence pour les tiers-partis ont été toujours mesquines ; jamais de grandes entreprises n’ont été accomplies sous leur impulsion ; jamais un sentiment élevé ; jamais un éclair de gloire ne brillera dans ces ames terre à terre, qui prennent la société dans ses instincts les plus grossiers pour la conduire. Vous aurez une vie bourgeoise, une vie étroite, petite, commode même ; mais ces périodes de peuple qui marquent dans l’histoire comme de nobles souvenirs et de belles phases historiques, n’en attendez jamais de ces opinions tierces qui demandent un passeport de sûreté à tous les événemens, et qui s’évanouissent à toutes les crises, pour reparaître ensuite sur tous les horizons de repos et de paix publique, comme pour les exploiter à leur bénéfice.

Il ne faut pas croire que les hommes se posent chefs de parti capricieusement. Ce n’est point une bizarrerie de fortune qui les place à la tête d’une opinion, mais une sorte de mariage mystérieux qui s’opère, parce que le cœur de l’homme se trouve au fond du parti, et l’esprit du parti se trouve au fond du cœur de l’homme. Ceci vous explique toute la puissance de M. Dupin sur cette fraction de la chambre qu’on appelle le tiers-parti ; c’est qu’il y a là sympathie profonde. Prenez M. Dupin, mettez-le dans toutes les positions possibles ; il reviendra dans cette place que la nature même lui a faite. Tout est type dans la société ; on se demande souvent comment on court à tels hommes ou à telles choses, c’est que ces hommes et ces choses sont le type d’un certain ordre social qui alors domine les esprits. Ainsi, ce n’est point capricieusement que la foule s’est pressée à Robert Macaire. C’est que, dans Robert Macaire, elle y reconnaissait l’image de