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des saints Pères donna tant de crédit, remontent presque toutes aux écoles philosophiques de la Grèce. Ce fait remarquable ressort avec évidence de l’examen de quelques-unes des opinions dont se compose cette singulière cosmographie.

Je prendrai pour base de cet examen la Topographie chrétienne de Cosmas, publiée par le Père Montfaucon, dans la Collectio nova Patrum : — c’est, entre les ouvrages qui nous restent sur ce sujet, le seul où un système cosmographique soit exposé d’une manière complète. Je le comparerai ensuite aux notions détachées qu’on tire des anciens commentateurs de la Bible, en prouvant qu’elles remontent toutes à quelque opinion soutenue dans les anciennes écoles philosophiques.


§ ier.
De la Topographie chrétienne de Cosmas Indicopleuste.

Au commencement du vie siècle vivait à Alexandrie un personnage qui, après avoir fait le négoce et voyagé dans les mers de l’Inde, avait embrassé la vie monastique. Dans le repos et le silence du cloître, il composa plusieurs ouvrages, dont il ne nous reste plus que la Topographie chrétienne. Ce livre, écrit vers l’an 535, a été connu de Photius, qui en a donné un extrait fort succinct[1] ; mais ce savant patriarche a ignoré jusqu’au nom de l’auteur ; et Fabricius doute même si celui de Cosmas, qui se trouve dans le manuscrit, ne serait pas simplement un de ces surnoms qu’il était d’usage de prendre d’après le genre des occupations auxquelles on se livrait ou des ouvrages qu’on avait composés[2]. Quoi qu’il en soit, ce livre n’a guère paru intéressant jusqu’ici que par quelques détails curieux sur l’Inde, où l’auteur avait voyagé, et principalement par les fameuses inscriptions grecques qu’il avait copiées à Adulis ; aussi, à l’exception de ces particularités, qui ont été l’objet de diverses recherches, le fond du livre n’a pas beaucoup occupé les

  1. Bibliotheca, cod. 36.
  2. Fabr. Bibl. gr., iii, 24 ; t. II, p. 612.