Scène II.
Mon déguisement me réussit à merveille ; j’observe, et je me fais aimer. Jusqu’ici tout va au gré de mes souhaits ; le père me paraît un grand roi, quoique trop sans façon, et je m’étonnerais si je ne lui avais plu tout d’abord. J’aperçois la princesse qui rentre au palais ; le hasard me favorise singulièrement.
Altesse, permettez à un fidèle serviteur de votre futur époux de vous offrir les félicitations sincères que son cœur humble et dévoué ne peut contenir en vous voyant. Heureux les grands de la terre ! ils peuvent vous épouser. Moi je ne le puis pas ; cela m’est tout-à-fait impossible ; je suis d’une naissance obscure ; je n’ai pour tout bien qu’un nom redoutable à l’ennemi ; un cœur pur et sans tache bat sous ce modeste uniforme ; je suis un pauvre soldat criblé de balles des pieds à la tête ; je n’ai pas un ducat, je suis solitaire et exilé de ma terre natale comme de ma patrie céleste, c’est-à-dire du paradis de mes rêves ; je n’ai pas un cœur de femme à presser sur mon cœur, je suis maudit et silencieux.
Que me voulez-vous, mon cher monsieur ? Êtes-vous fou, ou demandez-vous l’aumône ?
Qu’il serait difficile de trouver des paroles pour exprimer ce que j’éprouve ! Je vous ai vu passer toute seule dans cette allée ; j’ai cru qu’il était de mon devoir de me jeter à vos pieds, et de vous offrir ma compagnie jusqu’à la poterne.
Je vous suis obligée ; rendez-moi le service de me laisser tranquille.
Aurais-je eu tort de l’aborder ? Il le fallait cependant, puisque