Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/509

Cette page a été validée par deux contributeurs.
497
DE L’ALLEMAGNE DEPUIS LUTHER.

femme et en montrant au grand jour ses enfans. D’un autre côté, Dieu redevient un célibataire céleste ; la légitimité de son fils est rudement contestée, les saints sont médiatisés, on coupe les ailes aux anges ; la mère de Dieu perd ses droits à la couronne du ciel, et défense lui est faite de faire des miracles. Dès-lors en effet, en même temps que les sciences naturelles font des progrès, les miracles cessent. Soit que Dieu n’ait pas été satisfait de voir les physiciens le regarder aux doigts avec tant de défiance, soit par tout autre motif, toujours est-il que même dans ces derniers temps où la religion s’est trouvée en très grand péril, il a refusé de la soutenir par un éclatant miracle. Peut-être désormais les nouvelles religions qu’il daignera établir sur la terre, s’appuieront-elles seulement sur la raison, ce qui sera beaucoup plus raisonnable. Ce qui est certain, c’est que l’établissement du saint-simonisme, qui est la plus nouvelle religion, n’a pas produit un seul miracle, sinon qu’un ancien mémoire de tailleur que Saint-Simon avait laissé sur la terre fut payé dix ans après par ses disciples. Je vois encore l’excellent père Olinde se dressant avec enthousiasme sur les planches de la salle Taitbout et montrant à la communauté étonnée le compte du tailleur acquitté. Et les épiciers de s’étonner de cette transsubstantiation moderne du papier en or ; et les tailleurs de commencer à croire.

Cependant, si l’Allemagne perdit beaucoup de poésie en perdant les miracles que dissipa le protestantisme, elle eut d’amples dédommagemens. Les hommes devinrent plus vertueux et plus élevés. Le protestantisme eut la plus grande influence sur cette pureté de mœurs et le rigoureux accomplissement des devoirs qu’on nomme la morale ; le protestantisme a même pris une direction qui l’identifie parfaitement à cette morale. Nous voyons partout un heureux changement dans la vie des ecclésiastiques. Avec le célibat disparaissent les vices et les débordemens des moines, qui font place à de vertueux prêtres pour lesquels les vieux stoïques eux-mêmes eussent éprouvé du respect. Il faut avoir parcouru à pied le nord de l’Allemagne, en pauvre étudiant, pour savoir combien de vertu, et, pour lui donner une belle épithète, combien de vertu évangélique, se trouve dans une modeste habitation de pasteur. Que de fois, dans les soirées d’hiver, ai-je trouvé là une réception hospi-