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REVUE. — CHRONIQUE.

Sun se rassure, la liberté aura peut-être de rudes assauts à soutenir en France, mais, quoi qu’on fasse, elle ne périra pas.

À propos de liberté, nous provoquerons une explication de qui de droit. Nous dira-t-on que M. le colonel Paixhans, membre de la chambre des députés, ne reçoit pas, depuis une année, un traitement d’activité comme chargé, en sa qualité d’officier d’artillerie, de l’armement des forts détachés, qui n’existent pas encore ?


Nous avons parlé du nombreux cortège qui accompagnait le roi à la séance royale. On sait maintenant les motifs de cette prise d’armes extraordinaire. Le président du conseil avait été prévenu par l’ambassadeur d’une des grandes puissances, qui a aussi sa police dans Paris, qu’un grand scandale devait être donné, pendant la séance royale, par un député de l’opposition, l’un des plus riches propriétaires de la France, et que la crainte de la loi agraire n’a pas empêché de se jeter dans le parti républicain. Comment la police française se trouvait-elle en retard dans cette affaire ? nous l’ignorons. Toujours est-il que sur l’avis que le député en question devait hautement interpeller le roi, le maréchal Lobau donna ordre à M. Tourton, général de la garde nationale, de faire entrer un peloton de grenadiers dans la chambre, au premier mot que prononcerait le député, et de le faire empoigner au milieu de ses collègues. L’ambassadeur a-t-il été mystifié par ses agens, le ministre par l’ambassadeur ? c’est ce qu’il sera fort difficile de savoir, mais MM. les députés peuvent se tenir bien avertis de ne pas prendre la parole légèrement, le général Tourton et ses grenadiers sont là qui les surveillent.

Les deux premiers actes de la chambre dans cette session sont d’un bon augure, quoique peu importans. Entre M. Bérenger et M. Persil, qui se présentaient comme candidats à la vice-présidence, elle a choisi M. Bérenger. Mais pour la place de questeur que la mort de M. Dumeylet laissait vacante, elle a agi avec plus de discernement encore. Ayant à choisir entre M. Viennet et M. Vatout, elle a pris M. Clément du Doubs. Son juste sentiment des convenances a conduit la chambre dans cette affaire. L’une des deux places de questeur de la chambre est occupée par M. de Laborde, aide-de-camp du roi ; donner la seconde à M. Viennet ou à M. Vatout, qui sont l’un et l’autre des commensaux de la royauté, c’était mettre l’administration intérieure du palais des députés sous l’influence du château. Aussi tout le monde a approuvé le choix de M. Clément.


Un nouveau déluge de croix de la légion d’honneur va fondre sur un certain nombre de têtes innocentes, au premier jour de l’an. En sa qualité de ministre chargé du département des beaux-arts, M. Thiers, voulant honorer la littérature, et récompenser dignement les gens de lettres qui ont acquis une certaine réputation, a décidé que le titre de chevalier de la légion d’honneur serait accordé à M. Jouslin de Lasalle, nommé récemment directeur du Théâtre-Français, à M. Cès-Caupenne, directeur de l’Ambigu-Comique, et à M. Duponchel, antiquaire distingué, et directeur de la scène de l’Opéra. Il paraît qu’il avait été question d’accorder cette distinction à M. Véron, directeur de l’Académie royale de musique. On parle d’une conférence qui aurait eu lieu à ce sujet entre M. Véron et un chef de division du ministère de M. Thiers, dans laquelle, après s’être long-temps défendu de cet honneur qu’on voulait lui faire, M. Véron aurait fini par demander à quel titre on voulait lui décerner cette récompense. — « Mais, lui répondit-on, il nous semble que la prospérité actuelle de l’Opéra est un titre suffisant devant l’opinion publique. » — « En ce cas, répliqua M. Véron, je vous prie d’envoyer la croix et le brevet à Mlle Taglioni, qui a certainement la plus belle part dans ce mérite. »