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AFRIQUE.

guin, la rivière Saint-Jean et le Sénégal, et tirent leur origine des deux frères Terouze, princes du sang impérial de Maroc.

On rapporte qu’un des deux Terouze étant épris des charmes de la sultane, avait obtenu d’elle un rendez-vous, faveur souvent dangereuse dans les pays musulmans. L’empereur devait aller prendre le plaisir de la chasse pour quelques jours, l’occasion paraissait favorable, et le soir même de son départ fut fixé pour l’entrevue des deux amans. Terouze, qui connaissait tous les détours du palais impérial, s’empressa de s’y rendre à l’heure indiquée. Il se précipitait palpitant de volupté vers le lieu où tant de délices semblaient l’attendre, lorsqu’il sentit dans l’ombre l’étreinte d’une main vigoureuse. Terouze força son adversaire à lâcher prise ; mais celui-ci avec ses ongles lui laissa une empreinte sanglante, qu’il lui annonça être la marque de son arrêt de mort. — C’était l’empereur lui-même, qui, renonçant à son projet de chasse, était revenu tout à coup au palais.

Terouze épouvanté alla trouver son frère pour l’informer du sort qui le menaçait et le consulter sur les moyens de s’y soustraire. — Partons à l’instant, lui répondit celui-ci, allons à la poursuite de la lionne, la terreur des environs, et demain après le salaam du matin nous nous rendrons chez l’empereur pour lui demander lequel de nous deux est le plus courageux, ou de celui qui a tué la lionne, ou de celui qui a osé, pendant la nuit, porter la main sur l’empereur.

Les deux frères se présentèrent en effet le lendemain à l’audience impériale, et apprirent au sultan qu’ils l’avaient choisi pour arbitre dans leur défi. Frappé de tant d’audace, le sultan leur dit : Vous êtes tous deux courageux, mais je ne saurais vivre tranquille avec des hommes si entreprenans ; que demain le soleil ne vous revoie pas dans la ville, car vous seriez frappés de mort !

Les deux Terouze se réfugièrent dans le désert, où ils devinrent les chefs de la nation qu’ils fondèrent sous le nom de Trazas, nation belliqueuse et qui exerce une grande influence sur le sort des populations africaines par l’activité et la multiplicité de ses relations. Elle est partagée en tribus qui vivent sous des tentes faites avec le tissu du poil de chameau. Leurs camps, qu’ils appellent adouar, sont formés en cercles, et des cordes attachées à des piquets en défendent l’entrée aux nombreux troupeaux de bœufs, de moutons et de chameaux qui fournissent à la tribu la viande et le lait dont elle se nourrit.

J’ai été reçu dans le camp de ces Maures, et long-temps j’en garderai le souvenir : l’hospitalité, cette vertu patriarcale, s’y exerce avec une gé-