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UN ADIEU.

Elle avait de nouveau baissé la tête. S’était-elle cependant levée, était-elle entrée dans sa chambre pour y aller cacher et dévorer une larme ? Avait-elle pleuré la première ? Oh ! je ne sais. Quant à moi, je pleurais, je ne le pouvais cacher, et je ne l’essayais point. Je sanglottais. Quand je me sentis moins suffoqué, quand je pus parler, je tendis la main à la comtesse.

— C’est un adieu à tout, Mercedès ? je serai comme mort. Penserez-vous au moins un peu à moi ?

— Oui ! reprit-elle d’une voix émue.

Et elle me donna sa main que je pressai, et elle souriait les yeux humides.

Elle se leva de nouveau et s’approcha de la croisée. Elle pleurait aussi. Je la voyais s’essuyer les yeux avec son mouchoir. Elle revint bientôt et se tint debout près de moi, détournant la tête. Je repris sa main, je la serrai dans les deux miennes.

— C’est fini, n’est-ce pas, Mercedès ? C’est fini ! On ne revient pas !

— Oh ! la mer, toute la mer, reprit-elle en frissonnant, et sa main tremblait.

— Oui, toute la mer entre nous, Mercedès !


— Enfin, c’est un moment, dit-elle en apparence plus calme et la voix moins émue, après un long silence ; c’est un moment : vous ne penserez pas toujours à nous, John !

— C’est un moment ! Vous ne penserez pas toujours à nous ! Oh ! que dites-vous là, Mercedès ?

Je laissai retomber sa main. Elle reprit sa place vis-à-vis de moi sur le canapé. Pour moi, les coudes sur les genoux, la tête dans les mains, je pleurai long-temps et avec amertume.

— Oh ! mon Dieu, m’écriai-je enfin, je voudrais bien ne vous avoir connue jamais, Mercedès ! C’est un grand malheur, allez, quand des âmes qui s’étaient trouvées et comprises se séparent à jamais.