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SAYNÈTE.

gens, qui ignorèrent tout, hors deux ou trois femmes dont j’étais sûre. Mais un soir le comte arriva sans être annoncé ni attendu ; il le trouva auprès de moi… Il le tua dans mes bras à coups de poignard… plusieurs même m’atteignirent… Malheureusement ils ne furent mortels ni à moi, ni à l’enfant que je portais…

Don Pèdre.

Après…

La Comtesse.

Le comte me laissa la vie pour m’infliger une plus grande peine : elle ne fut en effet, depuis ce moment, qu’esclavage, misère et tourmens pour moi et pour mon fils, sur qui il se vengea du silence que son honneur le forçait de garder : le comte punit en lui les fautes de ses parens. Ses affreux traitemens n’envenimèrent que trop la haine involontaire et spontanée de don Félix, qui semblait deviner dans le comte l’assassin de son père. Vous savez tout le reste… mais ce que vous ignorez, c’est que la tyrannie à laquelle j’étais en butte, et l’infâme persécution dont dona Maria était la proie, l’ont porté à ce crime, qui est grand sans doute, mais auquel j’arrache le nom de parricide au prix de mon déshonneur.

Don Pèdre.

Comtesse, s’il en est ainsi, c’est toi qui as commis le parricide. Ton fils n’a fait que défendre sa maîtresse à main armée, et venger son véritable père. C’est toi qui as donné au Portugal l’effroi d’un parricide en introduisant un fils étranger dans ta famille que tu as désunie, et dans la maison que tu as ensanglantée. Comtesse, si tu veux réparer tes fautes et sauver ton fils, tu le peux encore : répète demain dans ce palais, en présence de tous mes courtisans et de ton fils lui-même, ce que tu viens de me dire. Je fais grâce à don Félix que j’éloignerai seulement quelque temps de la cour, et toi tu seras brûlée à sa place.

La Comtesse.

J’ai sa grâce !…