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CHRONIQUE HÉBRAÏQUE.

dont les yeux flamboyans semblaient faits pour servir d’interprètes à toutes les passions, jamais à la pitié.

Ses épais sourcils se rapprochèrent ; mais il resta debout à sa place, s’inclinant, comme ses frères, au moment où les tables de la loi s’offrirent à ses regards. Il continua sa prière, mais la prunelle toujours fixée sur le jeune étranger.

Les tables de la loi reportées dans l’arche sainte, l’étranger sortit du temple, et prit le chemin de la vallée de Josaphat, en longeant le Cédron.

Le soleil était brûlant. L’inconnu s’arrêta sous un ombrage, las et triste ; ses larmes coulèrent.

Une vieille femme vint l’interrompre dans ses pleurs.

Alors le soleil descendait derrière les cèdres du mont Liban ; la vallée était déserte, silencieuse ; la vieille avait un air mystérieux.

Pourtant elle ne parla pas, elle ne fit aucun signe ; mais à peine le regard du jeune homme se fut-il arrêté sur elle, qu’aussitôt la vieille femme disparut parmi les arbres de la vallée.

À sa place était un bouquet que peut-être elle avait oublié, que peut-être aussi elle avait perdu à dessein.

Le jeune Hébreu releva le bouquet. Il était composé de fleurs brunes appelées roses de Judée ; il les compta, il en trouva neuf.

Neuf ! se dit-il, et soudain il se ressouvint du regard qui avait percé la galerie du temple ; il comprit la vieille, son silence, sa fuite, le nombre allégorique des fleurs du bouquet. Ivre de joie, il appela la nuit.

Il fait nuit.

— Adieu, Tirtza, dit le docteur Zimram. Penché sur le visage angélique d’une jeune femme, il déposa un baiser sur son front blanc et candide, puis deux, et fit un pas vers la porte de la maison.

— Vous ne me dites pas adieu, Tirtza ? ajouta-t-il en s’arrêtant ; vous ne me dites pas ce que vous ferez en mon absence ?