Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/362

Cette page a été validée par deux contributeurs.
342
HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

des sarcasmes des clubs ; enfin, pour prouver au monde que la révolution n’était nullement hostile à la religion, il encouragea le clergé polonais à se mettre partout à la tête du peuple, et imagina ces processions patriotiques qui ont étonné les étrangers.

Le parti national resta soumis aux doctrinaires, et ferma même le club patriotique. Le généreux Lelewel, membre du gouvernement provisoire, et ministre des cultes et de l’instruction publique, seconda, en cette double qualité, tous les projets de son adversaire. Le peuple les confondait dans une affection commune ; leurs portraits figuraient toujours ensemble dans les lieux publics, et les poètes chantaient leurs louanges à tous deux. Chaque parti préférait bien son chef à celui du parti contraire, mais la nation ne faisait entre eux aucune différence ; et un jour, au théâtre, un murmure improbateur accueillit ces mots d’un acteur : Lelewel seul ne nous trahira pas. On ne voulait point l’élever aux dépens du dictateur.

Cependant les traîtres, cachés sous le masque du patriotisme, ourdissaient déjà leurs trames. Maurice Mochnacki, Adam Gurowski et quelques-uns de leurs amis, prêchaient toujours leur romantisme politique ; et comme ils appartenaient au parti de Lelewel, on en prit occasion de dire que celui-ci était un jacobin, qu’il ne voulait que pendre et guillotiner. Les provinces seules ajoutaient foi à ces bruits, car il y était peu connu ; sa réputation du reste resta intacte.

Le mécontentement ne tarda pas à se manifester contre Chlopicki ; on accusait sa lenteur. Suivant l’exemple de Napoléon, sans comprendre ses motifs, il ne comptait que sur les soldats disciplinés ; il méprisait la force morale de la nation, et ne comptait pour rien les faucheurs et les troupes de la nouvelle levée. Avec ces idées, il était impossible qu’il crût à la durée d’une lutte entre le royaume de Pologne et l’empire russe ; il n’espérait rien que de la voie des négociations, et alla même jusqu’à traiter l’insurrection du 29 novembre de folie de jeunesse. — « Si c’était une révolution