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LITTÉRATURE.

là encore, d’un bon accueil à mon retour en France. En ce faisant, j’ai cru accomplir un grand acte de sagesse, me préparer de grands éloges de la part de la prudence humaine, et, l’événement arrivé, il se trouve que je n’ai fait qu’une grosse sottise… Enfin me voilà à deux mille lieues de mon pays, sans ressources, sans occupation, forcé de recourir à la pitié des autres, en leur présentant pour titre à leur confiance une histoire qui ressemble à un roman très-invraisemblable ; — et pour terminer peut-être ma peine et cette plate comédie, un duel qui m’arrive pour demain, avec un mauvais sujet, reconnu tel de tout le monde, qui m’a insulté grossièrement en public, sans que je lui en eusse donné le moindre motif ; — convaincu que le duel, et surtout avec un tel être, est une absurdité ; et ne pouvant m’y soustraire ; — ne sachant, si je suis blessé, où trouver mil reis pour me faire traiter ; ayant ainsi en perspective la misère extrême, et, peut-être, la mort ou l’hôpital ; — et cependant, content et aimé des dieux. — Je dois avouer pourtant que je ne sais comment ils (les dieux) prendront cette dernière folie. Je ne sais, oui, c’est le seul mot que je puisse dire ; et, en vérité, je l’ai souvent cherché de bonne foi et de sang-froid ; d’où je conclus qu’il n’y a pas au fond tant de mal dans cette démarche que beaucoup le disent, puisqu’il n’est pas clair comme le jour qu’elle est criminelle, comme de tuer par trahison, de voler, de calomnier, et même d’être adultère (quoique la chose soit aussi quelque peu difficile à débrouiller en certains cas). Je conclus donc que, pour un cœur droit qui se présentera devant eux avec cette ignorance pour excuse, ils se serviront de l’axiome de nos juges de la justice humaine : Dans le doute, il faut incliner vers le parti le plus doux ; transportant ici le doute, comme il convient à des dieux, de l’esprit des juges à celui de l’accusé. »

L’affaire du duel terminée (et elle le fut à l’honneur de Farcy), l’embarras d’argent restait toujours ; il parvint à en