Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/457

Cette page a été validée par deux contributeurs.
447
FORMULE GÉNÉRALE DE L’HISTOIRE.

qui croit à la royauté, pour mieux dire, à la légitimité, et redit en elle un dogme social. Cependant, mêlé aux premiers événemens de la révolution, membre de la Convention au moment du procès de Louis xvi, et montant à la tribune pour absoudre, trouble de cœur ou fascination d’esprit, il a prononcé les paroles fatales.

Une sorte de délire, provenant de la violence de ses remords, pousse le régicide sur le chemin du roi qu’on conduisait au supplice ; il avait je ne sais quelle vague espérance que l’horrible tragédie ne s’achèverait pas : mais elle s’acheva. Pour employer une expression de celui qui en fut le principal acteur, un petit débat[1] s’engagea au pied de l’échafaud entre Sanson et le descendant de Saint-Louis ; et Sanson en sortit au milieu d’impies applaudissemens, tenant à la main la tête de Louis. L’homme sans nom quitte aussitôt Paris, et va ensevelir ses remords au fond d’un village écarté. M. Ballanche nous le montre vivant là de longues années loin de toutes relations sociales, s’enfermant dans son crime, s’en faisant en quelque sorte une patrie ; le régicide veut y vivre seul, y souffrir seul, y mourir seul : s’il consent à entrer en rapport avec les hommes, c’est pour s’exposer volontairement à leurs haines, à leurs mépris, aux sentimens les plus amers qu’ils puissent témoigner. Mais s’il accueille ses odieuses tortures avec empressement, désespérant de les mesurer jamais à son crime, de les trouver suffisantes à son expiation, ce n’est pas parce qu’un peu de sang a coulé sous sa main, que ce sang a été celui d’un innocent condamné sans être jugé, d’un prisonnier égorgé

  1. C’est le mot employé par Sanson dans une lettre insérée au Moniteur, et où il rend compte du courage et de la résignation du roi, en ce funeste moment.